par Laurent Simon Mar 17 Mai 2016 - 21:34
Une excellente interview de E. Trappier,
PDG Dassault Aviation,
par V. Lamigeon
http://www.challenges.fr/entreprise/defense/20160422.CHA8225/dassault-espere-un-a-deux-contrats-rafale-en-2016.html
Un (long) extrait :
"Le F-35 n'est "pas un bon avion"L
Le Canada peut-il vraiment renoncer au F-35 et choisir le Rafale ?
Pour nous, le Canada n’est pas à proprement parler un prospect, mais une opportunité. Ce pays, grand allié des Etats-Unis, a fait un travail sérieux et neutre sur le F-35. L’audit canadien dit clairement que ce n’est pas un bon avion. Si le premier ministre, M. Trudeau, va au bout de cette logique et renonce au F-35, nous serions candidats avec le Rafale. Mais cela ne veut pas dire que nous gagnerions automatiquement. Nous aurions de toute façon à nous battre contre d’autres avions américains. Il faudrait être sûr que nous ne soyons pas là pour jouer les lièvres...
Comment Dassault peut-il exister face au rouleau compresseur américain, incarné par les plus de 2000 commandes du F-35 de Lockheed Martin ?
Dans les années 70, l’US Air Force a demandé à la Rand Corporation comment on faisait de si bons avions avec aussi peu de moyens. La réponse est simple : nous ne sommes ni les plus gros, ni les plus forts, mais nous avons gardé l’agilité et l’efficacité des origines. Nous avons fait seuls le Rafale, un des meilleurs avions du monde et le seul véritablement multi-rôles.
Les Américains, avec des moyens monumentaux, sont incapables de faire la même chose avec le F-35, dont je constate qu’il n’est pas au niveau.
Beaucoup de pays sont en train de se rendre compte de la stratégie américaine : vous cotisez auprès de l’Otan, et le retour industriel passe intégralement aux Etats-Unis. Les Européens embarqués dans le F-35 travaillent sur le programme, admis comme sous-traitants. C’est un cercle vicieux : les Etats-Unis ne transfèrent pas de technologie, et vous vous retrouvez dépendants d’eux, car vous n’avez plus les moyens technologiques de développer vos propres matériels. Vous ne pouvez donc plus être présents sur le coup d’après.
"Pour faire ce que fait le Rafale, les Américains ont besoin de trois appareils"
Sur le segment des drones de combat, l’Europe peut-elle être au niveau technologique des Américains ?
Nous sommes capables d’être aussi bons, voire meilleurs que les Américains. Sur les drones de combat, nous sommes à leur niveau. Nous ne pourrons jamais avoir des budgets aussi élevés sur notre marché domestique, mais l’annonce d’un investissement franco-britannique de deux milliards d’euros sur le programme de drones de combat FCAS va dans le bon sens.
A bien y regarder, les Américains sont très forts, ils ont beaucoup d’argent, mais je constate qu’ils ne savent produire que des avions spécialisés. Pour faire ce que fait le Rafale, ils auront besoin de trois appareils : le F-22, le F-35 et l’avion d’attaque au sol A-10 ou son remplaçant.
Mais n’aurez-vous pas tôt ou tard un problème de taille critique face à vos concurrents outre-Atlantique?
Les Boeing et Lockheed Martin sont puissants, mais leur puissance est plus liée à la puissance américaine qu’à celle de leur société.
Et il ne faut pas réduire Dassault à la seule aviation, même si celle-ci reste le vaisseau amiral du groupe. Il y a aussi Dassault Systèmes, le leader mondial du logiciel et de la conception 3D. Et nous sommes l'actionnaire industriel de référence de Thales, un groupe de 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires. L’Etat est aussi au capital, dont acte, mais nous y sommes probablement pour plus longtemps."