Shahed 136

L'Iran a sorti le drone Shahed 136 il y a deux ans. C'est le missile de croisière du pauvre : plus de 1000 km de rayon d'action, à faible vitesse, mais une taille réduite qui lui a permis aujourd'hui de passer à travers les mailles de la défense anti-aérienne ukrainienne à Odessa. C'est surtout un système qui ne nécessite pas une base industrielle et technologique particulièrement sophistiquée pour le fabriquer en grande série et probablement à bas coût (en tout cas à un coût inférieur de plusieurs ordres de grandeur aux cibles qu'il peut détruire et surtout aux moyens employés pour le contrer). Les Russes le déploient désormais massivement en Ukraine (plusieurs rotations d'avions cargo déjà identifiées entre l'Iran et la Russie depuis une dizaine de jours, 4 frappes aujourd'hui : 2 cibles atteintes, 2 drones détruits).

Selon le blogger Trent Telenko nous assistons à un tournant  stratégique ("The World has changed" moment) : cette plateforme, désormais facilement disponible, combinée à des outils de géolocalisation radar (SARsat radar interference tool) pour identifier des cibles, de navigation satellitaire (qui peut être certes brouillée) mais aussi de corrélation de cartographie à partir de photo satellite commerciale (satellite guidance & commercial satellite photo digital scene mapping correlation) donne désormais à de nouveaux acteurs (Iran ...) la puissance d'une petite Armée de l'Air qui tiendrait dans quelques conteneurs. Pour lui, ce système menace désormais directement la composante aérienne des Marines par exemple, notamment les F35B, qui nécessitent une logistique trop lourde et désormais trop vulnérable, car rapidement identifiable. Son opinion : moment comparable à l'apparition de la mitrailleuse Maxim qui a sonné le glas de la cavalerie. Le fil de sa pensée peut être lu ici

Quel est votre avis  là dessus?
Je ne suis pas entièrement d'accord avec lui. Ceci dit, c'est un sujet sensible aussi en France où déjà la protection de nos troupes contre les menaces aériennes à faibles portée pourrait être améliorée. La multiplication de ces missiles de croisière du pauvre rend plus 'urgent' le développement puis le déploiement de nouvelles solutions SHORAD anti drones, voire d'un système plus ambitieux. Israël améliore constamment son 'iron dome'. L'Ukraine en a besoin aujourd'hui et l'Europe va probablement ne pas pouvoir faire l'impasse sur le développement d'un tel système à l'échelle du continent. Vu le coût de l'Iron Dome pour un petit pays comme Israël, bonjour les arbitrages budgétaires pour l'Europe. 

Dans cette guerre en Ukraine, on a beaucoup discuté de chars (utiles ou pas ?) de Bayraktars (déterminants ou pas ?) mais finalement ce que j'en retiens c'est que la composante aérienne la plus déterminante (tactiquement) à mes yeux ce sont des myriades de drones commerciaux chinois qui ont été utilisés par les Ukrainiens (et les Russes aussi) pour régler leur artillerie et reconnaitre le terrain, voire démoraliser l'adversaire (micro bombardements de nuit, de jour, partout). Alors pourquoi pas le Shahen-136 ? A suivre

Merci

J'ai modifié le titre

A voir quelle contre mesure on peut mettre
La charge explosive ne semble pas énorme
A voir ce que ça donne la nuit / par mauvais temps aussi

(Merci Poncho pour la correction du titre)

Le Monde a publié un article sur ce missile du pauvre :
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/11/guerre-en-ukraine-que-sont-les-drones-iraniens-utilises-par-la-russie_6145369_3210.html

Selon l'article, le drone dispose d'optiques capables de le guider vers sa cible (de jour, mais de nuit?). Il serait utilisé la nuit pour éviter les MANPADS (STINGER etc.).

L'article mentionne la livraison de plus de quatre cents appareils à la Russie par l'Iran. Moins de cent de ces drones ont déjà été utilisés. Sur quelles cibles ? Peu d'informations là dessus. Des bâtiments à Odessa et près de Kiev (caserne). Des cibles fixes et moins défendues que celles à plus haute valeur comme les centrales électriques ou les postes transformateurs THT.

Les Ukrainiens disent en abattre la moitié. En attendant la mise en place de contremesures plus efficaces (et moins coûteuses)... A suivre.

Nombreux articles depuis une semaine sur ces drones (Le Monde, Le figaro, Libé, La Croix, Le Point, L'Express).
2400 de ces drones peu coûteux produits en série par l'Iran auraient été commandés par la Russie (voire déjà livrés). 30 à 40 sont lancés en essaim chaque jour sur l'Ukraine pour un coût de moins d'1 million € par jour.
Cibles : centrales électriques et points névralgiques du réseau (transformateurs) pour mettre à plat d'ici la fin du mois tout le réseau électrique Ukrainien. 
L'Ukraine affirme en abattre 6 sur 7. Mais les 1 sur 7 restant suffisent pour donner à Poutine la profondeur opérative que son artillerie, son aviation et ses missiles avaient été incapables de lui fournir. 
Le coût de la défense antiaérienne est disproportionné. A courte portée, les MANPADS semblent peu efficaces (faible signature IR) et l'Ukraine doit user les précieux S-300 qu'il lui reste. La France a fourni 100 MISTRAL depuis le début de la guerre à l'Ukraine, mais c'est ce que consomme l'Ukraine chaque jour en missiles sol-air divers.
En 1941, les Alliés avaient mis plus d'un an à trouver des parades efficaces contre les U-Boot qui menaçaient les convois dans l'Atlantique Nord. Avec l'hiver qui approche, l'Ukraine (et ses alliés) ont moins d'un mois pour contrer les Shahed-136 s'ils ne veulent pas être dans une position très très délicate fin novembre : peut-être avec un un brouillage GPS plus poussé, plus de DCA (Guepard) autour des installations électriques et le déploiement d'ici quelques jours de NASAMS norvégiens fourni par les Etats-Unis etc. L'idéal serait d'identifier puis de détruire les stockages abritant ces drones, mais ils sont loin, très loin en Russie, et hors de portée pour l'instant des Ukrainiens.
On va en entendre parler encore longtemps. A suivre.

Désolé, les liens vers les articles dans mon message précédent ne sont pas passés, je ne sais pas pourquoi.
Peu de changements depuis. Les frappes russes continuent d'user les infrastructures électriques et le taux de 70% de Shahed détruits par les ukrainiens est insuffisant pour dissuader les Russes de continuer. Il doit dépasser 99% pour que le cout des drones (10 à 20 k USD pièce) dépasse le cout des dégâts. 

2 liens intéressants :

• Un point sur les dégâts causés au réseau 330kV en Ukraine: https://threadreaderapp.com/thread/1585574189565726720.html (rapporté par un site russe)
  
• Bellingcat traque la chaine de commandement et les organisateurs définissant les cibles de ces missiles et drones : https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2022/10/24/the-remote-control-killers-behind-russias-cruise-missile-strikes-on-ukraine/
  

Les pannes électriques affectent le transport ferroviaire et la logistique des armées ukrainiennes. Leurs locomotives électriques sont à l'arrêt forcé et ils ont peu de locomotives diesel. Ils ne peuvent pas s'en procurer non plus en Europe du fait de l'écartement différent. D'où la difficulté à déplacer troupes et matériel sur le front, et à évacuer le matériel endommagé ou capturé. On constate un enlisement sur le front depuis plusieurs jours.

Quelles solutions ?
Les Ukrainiens ont reçu quelques systèmes anti-aériens NASAMS, mais ceux-ci sont chers et trop rares pour dissuader les Russes d'utiliser des Shahed par dizaines.
Plusieurs projets en cours de développement dont par exemple une application sur Android permettant à tout un chacun de transmettre rapidement la position d'un de ces drones. C'est à lire sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/21/l-ukraine-lance-une-application-android-pour-traquer-et-detruire-les-drones-kamikazes_6146771_3210.html

Le point sur les derniers développements de la famille de drones Shahed : https://meta-defense.fr/2024/02/06/drones-dattaque-ia-course-strategique/
(l'article est payant mais la première partie résumant bien la situation est disponible gratuitement)

L'utilisation de micro-tuboréacteurs à la place du moteur à piston des premières versions permet d'augmentation leur vitesse de croisière et de réduire ainsi leur vulnérabilité à des systèmes de défense AA courte portée de type Gepard.
Un point faible (pour combien de temps?) est l'absence de navigation inertielle. L'IA permettrait de les utiliser aussi contre des cibles mobiles. 
Le cout unitaire de ce type d'engin est tellement bas qu'en l'absence de contre mesure efficace, il présente une menace très significative s'il peut être produit en quantité industrielle.