L'dée d'ouvrir ce post m'est bien sûr venue aprés avoir consulté l'excellent travail d'Eolien sur le vol AF 447.
Le doute sur certaines "procédures officielles", en cas de pannes multiples et complexes, m'est vite venu dés mes débuts sur Airbus. Plus j'avançais dans ma qualif, plus je comprenais à quel point les ingénieurs m'avaient mis hors de la "boucle de pilotage".
On était au tout début du 320 et la politique du "tout automatique" régnait en parole divine .
Certes j'ai trouvé un avion extraordinaire au premier abord . Oui j'ai fait un bond technologique de 20 ans le temps d'une qualif. Oui j'ai admiré l'énorme travail et les innovations audacieuses d''Airbus. Oui les atterrissages parfaits en automatique avec 20ft de DH et 75m de RVR m'ont laissé pantois.
L'une des premières choses qui m'a trés vite perturbé était le mode de traitement des pannes.....J'ai nommé l'ECAM . Cette logique "d'avion sans papiers" censée empêcher le pilote de sauter une ligne sur sa checklist. Pourquoi pas......l'idée n'était pas saugrenue. Etait-elle adaptable à la réalité d'un cockpit ?
La seconde était la cascade de logiques d'ingénieur en cas de panne. Prises une à une elles se révèlent souvent d'une logique irréprochable, mais lorsqu'elles s'additionnent elles deviennent exponentiellement complexes; à comprendre, donc à gérer. Voire impossibles à comprendre.
Les logiques "connues du piote" sont tellement nombreuses qu'il est matériellement impossible de toutes les avoir en mémoire. Quant aux logiques "inconnues du pilote" par définition elles nous échappent encore plus. Exemple flagrant : les lois de pilotage, latérale et longitudinale, en "alternate 2B", inconnues du pilote sur le vol AF 447comme le dit Eolien.
L'ECAM ET LES LOGIQUES D'INGENIEUR.
L'ECAM n'affiche que 7 lignes par page. D'où la complexité pour faire défiler une check-list comportant de 40 à 50 lignes lors d'une panne simple suivie de pannes induites, ou lors d'une panne complexe (ELEC EMER CONFIG par exemple ). Sachant que le PF, concentré sur son pilotage, doit de plus vérifier que le PNF n'a rien oublié à chaque page .
Les logiques d'ingénieur, loin d'ête évidentes, balisent le cheminement de l'ECAM. Il est impossible d'en sortir.
Le cas du l'AF 447 est éloquent:
Lignes ECAM | Information au pilote sur une panne anémo |
AUTO FLIGHT AP OFF | AUCUNE. J'ai perdu l'AP (je le sais depuis 2 secondes par 4 alarmes différentes), je suis en Alternate (laquelle? ) donc sans protections d'assiette ou d'inclinaison, mon Mach maxi n'a pas changé ( le même qu'en croisiére), il y a un problème d'Auto Flight (lequel?),je n'ai plus de détection de cisaillement de vent (pourquoi?). Mon badin s'effondre mais l'ECAM ne me renseigne en rien sur ce phénomène. |
F/CTL ALTN LAW | |
(PROT LOST) | |
MAX SPEED 330 / M 0,82 | |
AUTO FLIGHT | |
REAC W/S DET FAULT |
Lignes ECAM | Information au pilote sur une panne anémo |
AUTO FLIGHT AP OFF | Je le savais |
AUTO FLIGHT ATHR OFF | ATHR perdue mais pourquoi? |
THR LEVERS..........MOVE | Je sais que sans ATHR c'est moi qui pilote la poussée |
F/CTL ALTN LAW | Je le savais |
( PROT LOST) | Je le savais |
MAX SPEED 330 / M 0,82 | Je le savais |
AUTO FLIGHT | Je le savais |
Je n'ai toujours aucune info de panne anémo sur un système censé m'annoncer les pannes. Juste une cascade de pannes dont je ne connais pas la cause et de conseils inutiles.A la fin de la lecture de cet ECAM je suis à H+20''. |
A H+20'' le système ne m'a toujours pas parlé d'anémométrie ou d'altimétrie. Mon avion est en situation de danger grave et imminent. Le système attendra 2 minutes et 39 secondes (soit 1 minute et 49 secondes aprés le décrochage) pour me signaler enfin un problème anémométrique et/ou barométrique.
EPILOGUE.
L'inadaptation évidente d'un système "purement théorique" à une "application pratique et urgente" me pousse à réfléchir à des logiques “pilote” pratiques qui pourraient nous sortir de cet entonnoir infernal. Sans sortir du carcan administratif et réglementaire bien entendu. Principalement pour le PF totalement absorbé par le pilotage, l'aider à identifier immédiatement la cause et/ou l'existence réelle d'un danger grave et imminent.
C'est le but de ce post.
La situation de l'AF 447 se prête parfaitement à cette démarche car exemplaire en terme d'inadéquation "théorie/pratique". Entendez inadéquation "constructeur/pilotes". D'autres situations pourront être abordées bien sûr.
Globalement qu'est ce qui aurait pu aider le PF sur un A330-200 à comprendre la situation en quelques secondes alors que le systéme a mis presque 3 minutes pour lui annoncer la panne cause initiale de ses ennuis? Trois minutes cruciales.
Tous les renseignements, idées ou suggestions sont les bienvenus. Cela exige bien sûr une connaissance appronfondie des systèmes Airbus. La connaissance d'autres philosophies telle que celle de Boeing ne fera qu'enrichir cette démarche.
Je pense bien sûr à Eolien particuliérement bien placé par sa double expérience. D'autres ont peut être aussi cette double expérience. Toute polémique ou intervention hors sujet n'a pas sa place ici.
On est pas là pour juger, incrimer ou faire du “Y'avait qu'à / Fallait qu'on”.
L'esprit de ce post pourait se résumer ainsi: “ Comment aurais-je pu aiguiller ou informer le PF à coup sûr sur sa vitesse (vraie perte de vitesse ou fausse indication) si j'avais été spectateur derrière lui? “.
J'ai quelques idées bien sûr. Sont elles valables ou pas techniquement ? Aideraient-elles un équipage dans la même situation ? Notre démarche collective le dira.
Car comme l'a trés justement dit Vector : " Rien n’empêche cette situation de se reproduire “
Les équipages y sont un peu plus préparés mais c'est tout.
Donc la balle est dans notre camp.
Le prochain sujet sera donc : "Comment aurais-je pu aider le PF du Rio?"