Deux gilets pour trois …
Après avoir passé le point Victor 14 Hotel (V14H), situé en plein cœur de la mer Méditerranée, nous avons mis le cap à l’Est, nous faufilant sur une route aux frontières de pays en guerre, ou pour le moins en situation de conflit. Au Nord les grecs et les turcs, qui se battent pour Chypre, au Sud et devant, égyptien, libanais et syriens qui viennent à peine de finir d’en découdre avec Israël lors de la guerre du Kippour.
En silence nous nous glissons, à cheval sur les limites de leurs espaces aériens, les deux moteurs du DC3 grondant dans la nuit claire. La dérive du vent a été mesurée sur le tronçon de vol entre Iraklion et V14H, route 123°, au Sud-Est, en s’alignant sur le balise VOR d’Iraklion, jusqu’à sa perte de portée. Nous avons poursuivi selon ce que les navigateurs appellent « l’Estime », au cap et à la montre.
Une fois arrivés à la verticale estimée de Victor 14 Hotel nous avons viré plein Est en appliquant la dérive du vent calculée sur le tronçon précédent, faisant route vers les points Kitium 2 et Kitium 1, puis Beyrouth. Lorsque nous aurons quitté le contrôleur grec nous n’aurons plus aucun contact radio avant l’entrée dans l’espace aérien libanais, et il n’y a plus qu’à attendre, tout en surveillant les instruments éclairés par la lumière rose et diffuse du cockpit.
Christian, le copilote, et moi bavardons avec notre unique passager, lui expliquant les merveilleuses performances de ce déjà vieux DC. 3.
Christian nous raconte quelques anecdotes sur son dernier emploi. Il était commandant de bord sur un DC3 en Afrique où il faisait de la recherche géodésique pour les pétroliers, tirant une « torpille » accrochée à un long câble, allant et venant interminablement au-dessus des forêts tropicales. De retour en France, il attend d’avoir sa nouvelle licence pour être commandant de bord, ce qui sera l’affaire de quelques mois. Nous sommes du même âge et nous nous entendons bien.
Les ratés du moteur droit nous surprennent en plein bavardage.
En quelques courtes secondes il hoquette, son aiguille balayant le cadran du compte tours en s’effondrant vers le zéro, puis ayant renoncé à s’arrêter, il remonte à son régime de croisière. Nous observons les paramètres du moteur qui sont tout à fait normaux, et nous échangeons un regard, mélange de surprise et d’incompréhension.
Le phénomène a été très bref, trois ou quatre secondes, nous n’avons même pas eu le temps de mettre la pompe à essence en marche.
« Tiens, bizarre… » Pensais-je.
A peine le moteur droit a-t-il récupéré de son malaise que c’est au tour du gauche de s’effondrer, puis, arrivé au régime de ralenti, de reprendre crescendo ses tours jusqu’à revenir à son régime nominal.
A nouveau, le droit perd rapidement ses tours, pour les reprendre dès qu’il a atteint le ralenti, puis le gauche, puis le droit. Les aiguilles des compte-tours se croisent et se décroisent dans un chant asynchrone et inquiétant…
« Ta ta ta ta ta ra ra ra … ra ra ra ta ta ta ta Ta … »
Nous restons quelques secondes pantois, et nous activons les switches des pompes à essence, ce qui n’a aucun effet sur le phénomène.
Un moteur s’arrête alors que l’autre redémarre et vice-versa !...
Par acquis de conscience, on change de réservoir, mais les moteurs continuent leur jeu malsain, s’écroulant l’un après l’autre pour se reprendre à l’extrême ralenti, remontant leur régime pour s’effondrer à nouveau, avec un rythme de métronome.
Le résultat de ces chutes de régime rapprochées donne une puissance moyenne globale très diminuée et insuffisante pour maintenir le vol en palier. La vitesse qui s’effondre nous oblige à revenir au pilotage.
Sur le pupitre du Pilote Automatique, je tourne le bouton de l’assiette de l’avion pour le mettre en légère descente, sur une pente suffisante pour maintenir la vitesse de meilleure finesse, on déplie la carte devant nous et pointons du doigt l’île de Rhodes, au Nord de notre position et où se trouve le plus proche aérodrome. Pendant que Christian observe les paramètres moteurs et se gratte la tête à chercher la raison de ce mystérieux comportement des deux Pratt & Whitney, je vire cap au Nord, puis je prends le micro de la radio VHF :
« Mayday ! Mayday ! Mayday ! Foxtrot Bravo Alpha India Foxtrot engine failure, leaving flight level one one zero on descent, estimated position one hundred miles East of Victor One Four Hotel, turning left heading to Rhodos island. India Foxtrot Mayday !»
Les moteurs ne cessent de perdre et reprendre leurs régimes, pétaradant toujours en alternance :
« Ta ta ta ta ta ra ra ra a …ra ra ra ra ta ta ta ta Ta … »
http://www.bing.com/images/search?q=image+port%C3%A9e+musique&id=0A50A20CE60E2C69E33E2C7846F356DCA59B9B19&FORM=IQFRBA
Nous descendons dans la nuit, et à ce régime, nous serons à l’eau dans quelques minutes.
Je plonge ma main sous mon siège là où se trouve le gilet de sauvetage. J’en retire un sac de grosse toile verte couverte de cambouis et de graisse noire. Christian fait de même et nous ouvrons ces sacs poisseux. Nous en retirons deux gilets jaunes, jaunâtres devrais-je dire, dont rien ne dit qu’ils vont être capables de se gonfler. S’ils sont à l’image de leurs sacs, ils doivent être percés, moisis, ou que sais-je !...
Notre passager me demande « Et moi ? »
Je me penche pour regarder sous nos sièges, démarche pour la forme car je sais déjà que je ne trouverai rien. Notre patron n’est pas homme à mettre trois gilets là où il ne paye que deux pilotes ! Pour lui, il n’y a pas de petits profits.
J’ai alors l’idée du jour :
« Bon… dans tous les cas ce n’est pas avec ça que nous allons nous sauver … » dis-je à mes compagnons en leur montrant le gilet crasseux que je tiens à la main. « Derrière il y a la caisse en bois du réacteur. Il y a les haches de bord et des outils, ainsi que des cordages. Allez derrière tous les deux, démontez la caisse et faites un radeau … et mettez le devant la porte cargo que l’on puisse le sortir facilement ! »
Christian et notre passager quittent aussitôt le cockpit.
Photos tirée du site du Musée de l'Air et de l'Espace :
http://www.museeairespace.fr/cockpits-secrets/douglas-dc-3/
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Nous sommes en 1974, le secrétaire général de l’ONU, Kurt Waldheim effectue une tournée des popotes du Moyen-Orient pour négocier le rôle de l’ONU et prolonger la présence des Casques Bleus dans la paix précaire de l’après guerre du Kippour. Lors d’un passage à Damas, un réacteur de son Jet privé, un Falcon Mystère 20, tombe en panne. Le moteur de rechange est à Paris dans une caisse en bois qu’il est impossible de faire entrer dans la soute du B 727 d’Air France qui effectue la ligne sur la capitale de la Syrie.
On fait donc appel à une société privée dont les DC3 versions cargo peuvent embarquer sans problème ce colis particulier. C’est ainsi que je me retrouve au Bourget pour effectuer cette mission. Pendant le chargement, le chef d’équipe de la maison Dassault est très intéressé par notre plan de vol :
« Quelle chance vous avez, dit-il en apprenant que nous ferons escale à Corfou et Beyrouth… Moi, ce sera direct Damas par l’avion d’Air France… »
Je le regarde, observe son visage sympathique et lui propose :
« Si vous trouvez ce parcours intéressant, pourquoi ne venez-vous pas avec nous ?... »
« C’est possible ? » interroge-t-il, plein d’espoir.
« C’est vous qui payez, et on a un siège observateur au cockpit. Pas très confortable, mais on a des duvets et des matelas pneumatiques… A vous de voir… »
Il saute sur l’occasion :
« D’accord, avec plaisir », dit-il, enthousiasmé à l’idée de faire le vol en DC3, et sans se douter que dans quelques heures il va regretter amèrement cette impulsion …
Nous supervisons le chargement de la grosse caisse en bois qui abrite le réacteur. Nous l’arrimons très solidement, car il y a une situation orageuse sur le Sud de l’Adriatique et sur la Grèce. Avec la caisse, nous embarquons tout un tas d’autres matériels et d’outillages.
Nous avons décollé dans l’après midi pour nous poser en fin de soirée à Kerkira. Le trajet fut sans encombre, et l’atterrissage de nuit est sans trop de difficultés malgré quelques averses. Dès l’arrivée au parking, Christian se charge du plein d’essence pendant que j’enfourche un scooter, grelotant de froid en chemisette, passager d’un grec qui me conduit à toute vitesse à la Tour de Contrôle pour y déposer le plan de vol. La nuit est fraîche, il y a un peu partout des flaques d’eau de la dernière averse que mon conducteur évite en slalomant. Dès le retour à l’avion, on termine nos préparatifs afin de repartir au plus vite pour la plus longue et plus difficile étape de ce courrier.
Le temps est orageux, la nuit est zébrée d’éclairs et dès le décollage nous devons éviter des grains. La météo se détériore. Nous volons dans les nuages, profitant de chaque trouée pour localiser les cellules orageuses, trahies par les éclairs que l’on repère dans la nuit.
Assis entre nous, bien sanglé sur son siège observateur, une main cramponnée sur chacun de nos dossiers de siège, notre passager n’en mène pas large.
La situation ne cesse de se dégrader. Nous entrons dans de gros cumulus qui nous chahutent sévèrement et nous balancent des tonnes d’eau. Cela commence par des turbulences et par des crépitements sur les pare-brises, pour brutalement se déchaîner dans un vacarme épouvantable alors que le DC3 monte et descend au gré des courants qui alimentent ces énormes nuages convectifs. Des rafales de neige, d’eau et de glace mélangées s’écrasent sur les pare-brises. Une partie est balayée par le vent mais les plus tenaces s’accrochent aux joints du pare-brise et forment très vite une frange qui serpente tout autour de la vitre. Si le déluge dure, la glace gagne progressivement du terrain et il ne reste plus qu’un petit rond encore dégagé au centre des pare-brise. De là, en y collant un oeil, nous essayons de situer le plus gros des éclairs pour contourner les plus grosses cellules.
De temps à autre, un boucan de fin du monde vient nous assourdir, et pluie et grêle mitraillent l’avion. Tout se calme d’un coup, on devine des lueurs fugaces un peu partout. On se penche en avant, observant la purée de pois, comparant nos impressions :
« J’ai l’impression que c’est meilleur par là … » hurle l’un de nous avec un geste de la main, et aussitôt le DC3 bascule vers ce nouveau cap.
Malheur, les turbulences nous martyrisent à nouveau, la pluie et la grêle reprennent leur assourdissant concert. La vitesse diminuant malgré la puissance délivrée, on a allumé les phares d’aile et on surveille les hélices. Dès que l’embase des pieds de pales blanchit, on dégivre en activant une petite pompe qui envoie de l’alcool dont l’effet est de faire fondre la glace.
L’avion est alors canardé par les blocs de glace détachés, détonations qui sont la preuve réconfortante que le système fonctionne. Sur les pare-brises, si la glace vient à remporter une victoire totale, nous lui laissons cet honneur, car nous n’avons pas assez de réserves d’alcool de dégivrage que l’on réserve aux hélices.
Nous surveillons aussi les ailes et dès que nous jugeons l’amas de glace suffisant, on active le système pneumatique de dégivrage : c’est un plaisir de voir les boudins de caoutchouc se gonfler en craquelant la couche de glace et de voir des plaques entières de givre blancs arrachées et disparaître dans l’espace.
Dès que nous sortons d’un amas nuageux, vite, avant de replonger dans la fournaise, on observe le ciel. Il y a des éclairs partout, le ciel est parsemé de cumulonimbus, les terribles nuages d’orage, il y en a un peu partout. La succession des décharges électriques est continue et illumine le ciel durant plusieurs secondes pendant lesquelles on y voit comme en plein jour dans un spectacle en noir et blanc.
On avance en zigzagant, tantôt à vue, tantôt au jugé. Les cunimbs se suivent et sans radar, on ne peut qu’espérer éviter les plus gros !...
Fatalement, de temps en temps, on plonge bien malencontreusement au cœur du brasier, et nous sommes saturés de turbulences et de coups de foudre dans un déluge de glace et d’eau assourdissant.
Après le survol de la Crète, les orages se font plus rares, le temps s’améliore.
Enfin, notre épreuve touche à sa fin, les nuages s’espacent, les éclairs sont derrière nous, on voit des étoiles, les cumulus s’éparpillent et on aperçoit très bien leurs masses blanches dans la nuit à présent bien claire. On peut desserrer nos ceintures et revenir à une navigation précise. Nous sélectionnons le VOR d’Iraklion et nous nous établissons avec précision sur notre route pour effectuer des mesures de vent, car la suite du vol jusqu’à Beyrouth se fera uniquement au cap.
Il fait beau sur la Méditerranée, on peut goûter à nos provisions de bouche et boire un café, dans quelques heures nous serons à Beyrouth. Il ne reste plus, en profitant de la nuit, qu’à se faufiler discrètement entre tous ces pays belligérants…
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://img0109.popscreencdn.com/157347039_note-de-musique-musique-porte-musicale-partition-.jpg
« Ta ta ta ta ta ra ra ra …ra ra ra ra ta ta ta ta Ta … »
« Mayday ! Mayday ! Mayday ! »
J’ai entendu une voix lointaine, probablement un jet qui croise quelques 30 000 pieds au-dessus de nous. Aucune réponse, il ne nous reçoit pas. Personne ne nous entend. La nuit est très claire, pas un bateau à l’horizon. C’est qu’il ne fait pas bon se promener dans les espaces aériens et maritimes de ces pays en état de guerre…
L’avion descend, les milliers de pieds s’enchaînent. A travers la pétarade cyclique des moteurs, je perçois parfois des bruits venant de l’arrière. Mes compagnons travaillent à la construction du radeau. Des coups de marteau assourdis se glissent entre les pétarades des moteurs. Nous passons 5 000 pieds en descente, et l’air étant plus dense nous descendons moins vite.
Vers 3000 pieds mes deux charpentiers reviennent au cockpit :
« Alors ?...» m’enquiers-je
« C’est fait, me dit Christian tout en s’attachant. On a utilisé tout le bois disponible et le radeau est devant la porte. S’il tient le choc, il y aura de la place pour nous trois. »
Je regarde notre passager qui ne pipe mot, mais ne montre pas d’inquiétude particulière : voilà une bonne chose !...
Vers 2000 pieds, malgré les sautes d’humeur chronique des moteurs, nous volons quasiment en palier.
Devant nous une pâle lueur annonce la montée du jour alors que nous nous traînons à basse altitude sur la mer dont on distingue à présent l’écume blanche.
Les moteurs continuent à psalmodier leur inlassable dystonie et maintiennent à la vitesse minimale l’avion à très basse hauteur sur les flots noirs.
Au loin, dans l’aube qui rosit l’horizon, on devine les contours d’une masse sombre :
« Terre !... »
C’est ainsi que nous arrivons à Rhodes, bien bas sur la mer, les moteurs hoquetant leur bizarre symphonie, et nous trois bienheureux d’avoir échappé à un bain aux conséquences hasardeuses …
Le soleil s’est levé pour saluer notre atterrissage.
Dès notre arrivée au parking nous sommes entourés de plusieurs curieux et comme il y a parmi eux des mécaniciens d’Olympic Airways en tenue de travail, je leur demande s’il y aurait quelqu’un qui connaîtrait le DC3. Ils sont ravis de nous rassurer : ils entretenaient des DC3 il y a encore deux ou trois ans et ils nous assurent trouver parmi eux plusieurs mécanos qualifiés. En quelques minutes ils amènent des escabeaux, échelles, outillage et décapotent le premier moteur.
Ils ouvrent les magnétos qui sont coiffés d’un couvercle carré de bakélite noire, maintenu par quatre gros boulons. Entre cette coiffe et le bloc, il y a un joint de caoutchouc noir, qu’ils ôtent délicatement car il est très abimé, effiloché par endroit. Je monte sur l’escabeau et ils pointent du doigt des gouttelettes et diverses traces d’eau. Ils les essuient avec un chiffon propre et vont laisser sécher quelques minutes, le soleil étant haut à présent. Sur l’autre moteur à son tour décapoté, les magnétos sont dans le même état.
Je les quitte pour aller au contrôle. Après diverses formalités j’appelle ma compagnie et j’ai le patron au bout du fil.
Entre-temps les moteurs ont été mis en route et je les entends ronfler dans le lointain.
J’explique brièvement à mon patron notre mésaventure.
« Où en sont-ils avec les moteurs ? »
Je jette un œil par la fenêtre, tends l’oreille et rapporte le résultat de cette fine analyse…
« Ils les font tourner… ça à l’air de tourner rond … »
« Alors qu’est-ce que vous attendez pour repartir ?!... » Il me raccroche au nez. Ni salutations, ni respect, aucune inquiétude pour les vies que nous avons risqué, et que nous risquerons pour lui. On aurait pu se noyer, qu’est-ce qu’il en a à faire, les relations humaines n’étant pas sa priorité qui est de faire de l’argent sur notre dos.
Je retourne à l’avion où l’on m’explique ce qui a été entrepris. Le soleil de cette belle matinée a vite séché les magnétos et les mécanos ont tout remonté et mis en route : les moteurs fonctionnent parfaitement, à tous régimes.
Je regarde Christian : « Il n’y a plus qu’à repartir … »
Pendant ce temps, notre passager a décidé qu’il en avait assez fait, et il a retenu une place sur le vol Olympic Airways Rhodes-Athènes, puis Athènes-Damas. Le premier arrivé attendra l’autre, car il n’est pas question pour lui de remonter dans notre DC3. Cette expérience lui a suffit.
Deux jours plus tard, nous sommes de retour à notre base sans rencontrer aucun problème avec nos moteurs, les joints des magnétos sont remplacés et à ma connaissance on ne rencontrera plus jamais cet étrange phénomène.
Mon analyse est que sur la partie du vol entre Kerkira et Iraklion, nous avons rencontré et subi énormément de précipitations. De l’eau a dû passer à travers les joints détériorés des magnétos et entraîner le phénomène que nous avons eu.
A Rhodes, elles ont été essuyées puis séchées par le beau soleil de cette douce matinée, et elles ont retrouvé un fonctionnement normal.
Si nous avions amerri de nuit, Dieu seul sait ce qu’il aurait pu se passer dans les eaux froides de la mer Méditerranée…
A aucun moment, ni Christian ni moi n’avons enfilé nos gilets de sauvetage.
Epilogue :
Deux décennies plus tard, je rencontre en escale un vieux camarade perdu de vue qui est comme moi commandant de bord sur B777, mais dans une compagnie française basée sur une île de l’Océan Indien. Nous entrainons nos deux équipages dans un restaurant pour un repas fraternel. Au cours du repas nous évoquons notre passé sur DC3 et j’en viens à raconter cette mésaventure.
A la fin, il me demande qui était le copilote. Je ne m’en souvenais plus.
Il sourit : « C’était moi … »
Après avoir passé le point Victor 14 Hotel (V14H), situé en plein cœur de la mer Méditerranée, nous avons mis le cap à l’Est, nous faufilant sur une route aux frontières de pays en guerre, ou pour le moins en situation de conflit. Au Nord les grecs et les turcs, qui se battent pour Chypre, au Sud et devant, égyptien, libanais et syriens qui viennent à peine de finir d’en découdre avec Israël lors de la guerre du Kippour.
En silence nous nous glissons, à cheval sur les limites de leurs espaces aériens, les deux moteurs du DC3 grondant dans la nuit claire. La dérive du vent a été mesurée sur le tronçon de vol entre Iraklion et V14H, route 123°, au Sud-Est, en s’alignant sur le balise VOR d’Iraklion, jusqu’à sa perte de portée. Nous avons poursuivi selon ce que les navigateurs appellent « l’Estime », au cap et à la montre.
Une fois arrivés à la verticale estimée de Victor 14 Hotel nous avons viré plein Est en appliquant la dérive du vent calculée sur le tronçon précédent, faisant route vers les points Kitium 2 et Kitium 1, puis Beyrouth. Lorsque nous aurons quitté le contrôleur grec nous n’aurons plus aucun contact radio avant l’entrée dans l’espace aérien libanais, et il n’y a plus qu’à attendre, tout en surveillant les instruments éclairés par la lumière rose et diffuse du cockpit.
Christian, le copilote, et moi bavardons avec notre unique passager, lui expliquant les merveilleuses performances de ce déjà vieux DC. 3.
Christian nous raconte quelques anecdotes sur son dernier emploi. Il était commandant de bord sur un DC3 en Afrique où il faisait de la recherche géodésique pour les pétroliers, tirant une « torpille » accrochée à un long câble, allant et venant interminablement au-dessus des forêts tropicales. De retour en France, il attend d’avoir sa nouvelle licence pour être commandant de bord, ce qui sera l’affaire de quelques mois. Nous sommes du même âge et nous nous entendons bien.
Les ratés du moteur droit nous surprennent en plein bavardage.
En quelques courtes secondes il hoquette, son aiguille balayant le cadran du compte tours en s’effondrant vers le zéro, puis ayant renoncé à s’arrêter, il remonte à son régime de croisière. Nous observons les paramètres du moteur qui sont tout à fait normaux, et nous échangeons un regard, mélange de surprise et d’incompréhension.
Le phénomène a été très bref, trois ou quatre secondes, nous n’avons même pas eu le temps de mettre la pompe à essence en marche.
« Tiens, bizarre… » Pensais-je.
A peine le moteur droit a-t-il récupéré de son malaise que c’est au tour du gauche de s’effondrer, puis, arrivé au régime de ralenti, de reprendre crescendo ses tours jusqu’à revenir à son régime nominal.
A nouveau, le droit perd rapidement ses tours, pour les reprendre dès qu’il a atteint le ralenti, puis le gauche, puis le droit. Les aiguilles des compte-tours se croisent et se décroisent dans un chant asynchrone et inquiétant…
« Ta ta ta ta ta ra ra ra … ra ra ra ta ta ta ta Ta … »
Nous restons quelques secondes pantois, et nous activons les switches des pompes à essence, ce qui n’a aucun effet sur le phénomène.
Un moteur s’arrête alors que l’autre redémarre et vice-versa !...
Par acquis de conscience, on change de réservoir, mais les moteurs continuent leur jeu malsain, s’écroulant l’un après l’autre pour se reprendre à l’extrême ralenti, remontant leur régime pour s’effondrer à nouveau, avec un rythme de métronome.
Le résultat de ces chutes de régime rapprochées donne une puissance moyenne globale très diminuée et insuffisante pour maintenir le vol en palier. La vitesse qui s’effondre nous oblige à revenir au pilotage.
Sur le pupitre du Pilote Automatique, je tourne le bouton de l’assiette de l’avion pour le mettre en légère descente, sur une pente suffisante pour maintenir la vitesse de meilleure finesse, on déplie la carte devant nous et pointons du doigt l’île de Rhodes, au Nord de notre position et où se trouve le plus proche aérodrome. Pendant que Christian observe les paramètres moteurs et se gratte la tête à chercher la raison de ce mystérieux comportement des deux Pratt & Whitney, je vire cap au Nord, puis je prends le micro de la radio VHF :
« Mayday ! Mayday ! Mayday ! Foxtrot Bravo Alpha India Foxtrot engine failure, leaving flight level one one zero on descent, estimated position one hundred miles East of Victor One Four Hotel, turning left heading to Rhodos island. India Foxtrot Mayday !»
Les moteurs ne cessent de perdre et reprendre leurs régimes, pétaradant toujours en alternance :
« Ta ta ta ta ta ra ra ra a …ra ra ra ra ta ta ta ta Ta … »
http://www.bing.com/images/search?q=image+port%C3%A9e+musique&id=0A50A20CE60E2C69E33E2C7846F356DCA59B9B19&FORM=IQFRBA
Nous descendons dans la nuit, et à ce régime, nous serons à l’eau dans quelques minutes.
Je plonge ma main sous mon siège là où se trouve le gilet de sauvetage. J’en retire un sac de grosse toile verte couverte de cambouis et de graisse noire. Christian fait de même et nous ouvrons ces sacs poisseux. Nous en retirons deux gilets jaunes, jaunâtres devrais-je dire, dont rien ne dit qu’ils vont être capables de se gonfler. S’ils sont à l’image de leurs sacs, ils doivent être percés, moisis, ou que sais-je !...
Notre passager me demande « Et moi ? »
Je me penche pour regarder sous nos sièges, démarche pour la forme car je sais déjà que je ne trouverai rien. Notre patron n’est pas homme à mettre trois gilets là où il ne paye que deux pilotes ! Pour lui, il n’y a pas de petits profits.
J’ai alors l’idée du jour :
« Bon… dans tous les cas ce n’est pas avec ça que nous allons nous sauver … » dis-je à mes compagnons en leur montrant le gilet crasseux que je tiens à la main. « Derrière il y a la caisse en bois du réacteur. Il y a les haches de bord et des outils, ainsi que des cordages. Allez derrière tous les deux, démontez la caisse et faites un radeau … et mettez le devant la porte cargo que l’on puisse le sortir facilement ! »
Christian et notre passager quittent aussitôt le cockpit.
Photos tirée du site du Musée de l'Air et de l'Espace :
http://www.museeairespace.fr/cockpits-secrets/douglas-dc-3/
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Nous sommes en 1974, le secrétaire général de l’ONU, Kurt Waldheim effectue une tournée des popotes du Moyen-Orient pour négocier le rôle de l’ONU et prolonger la présence des Casques Bleus dans la paix précaire de l’après guerre du Kippour. Lors d’un passage à Damas, un réacteur de son Jet privé, un Falcon Mystère 20, tombe en panne. Le moteur de rechange est à Paris dans une caisse en bois qu’il est impossible de faire entrer dans la soute du B 727 d’Air France qui effectue la ligne sur la capitale de la Syrie.
On fait donc appel à une société privée dont les DC3 versions cargo peuvent embarquer sans problème ce colis particulier. C’est ainsi que je me retrouve au Bourget pour effectuer cette mission. Pendant le chargement, le chef d’équipe de la maison Dassault est très intéressé par notre plan de vol :
« Quelle chance vous avez, dit-il en apprenant que nous ferons escale à Corfou et Beyrouth… Moi, ce sera direct Damas par l’avion d’Air France… »
Je le regarde, observe son visage sympathique et lui propose :
« Si vous trouvez ce parcours intéressant, pourquoi ne venez-vous pas avec nous ?... »
« C’est possible ? » interroge-t-il, plein d’espoir.
« C’est vous qui payez, et on a un siège observateur au cockpit. Pas très confortable, mais on a des duvets et des matelas pneumatiques… A vous de voir… »
Il saute sur l’occasion :
« D’accord, avec plaisir », dit-il, enthousiasmé à l’idée de faire le vol en DC3, et sans se douter que dans quelques heures il va regretter amèrement cette impulsion …
Nous supervisons le chargement de la grosse caisse en bois qui abrite le réacteur. Nous l’arrimons très solidement, car il y a une situation orageuse sur le Sud de l’Adriatique et sur la Grèce. Avec la caisse, nous embarquons tout un tas d’autres matériels et d’outillages.
Nous avons décollé dans l’après midi pour nous poser en fin de soirée à Kerkira. Le trajet fut sans encombre, et l’atterrissage de nuit est sans trop de difficultés malgré quelques averses. Dès l’arrivée au parking, Christian se charge du plein d’essence pendant que j’enfourche un scooter, grelotant de froid en chemisette, passager d’un grec qui me conduit à toute vitesse à la Tour de Contrôle pour y déposer le plan de vol. La nuit est fraîche, il y a un peu partout des flaques d’eau de la dernière averse que mon conducteur évite en slalomant. Dès le retour à l’avion, on termine nos préparatifs afin de repartir au plus vite pour la plus longue et plus difficile étape de ce courrier.
Le temps est orageux, la nuit est zébrée d’éclairs et dès le décollage nous devons éviter des grains. La météo se détériore. Nous volons dans les nuages, profitant de chaque trouée pour localiser les cellules orageuses, trahies par les éclairs que l’on repère dans la nuit.
Assis entre nous, bien sanglé sur son siège observateur, une main cramponnée sur chacun de nos dossiers de siège, notre passager n’en mène pas large.
La situation ne cesse de se dégrader. Nous entrons dans de gros cumulus qui nous chahutent sévèrement et nous balancent des tonnes d’eau. Cela commence par des turbulences et par des crépitements sur les pare-brises, pour brutalement se déchaîner dans un vacarme épouvantable alors que le DC3 monte et descend au gré des courants qui alimentent ces énormes nuages convectifs. Des rafales de neige, d’eau et de glace mélangées s’écrasent sur les pare-brises. Une partie est balayée par le vent mais les plus tenaces s’accrochent aux joints du pare-brise et forment très vite une frange qui serpente tout autour de la vitre. Si le déluge dure, la glace gagne progressivement du terrain et il ne reste plus qu’un petit rond encore dégagé au centre des pare-brise. De là, en y collant un oeil, nous essayons de situer le plus gros des éclairs pour contourner les plus grosses cellules.
De temps à autre, un boucan de fin du monde vient nous assourdir, et pluie et grêle mitraillent l’avion. Tout se calme d’un coup, on devine des lueurs fugaces un peu partout. On se penche en avant, observant la purée de pois, comparant nos impressions :
« J’ai l’impression que c’est meilleur par là … » hurle l’un de nous avec un geste de la main, et aussitôt le DC3 bascule vers ce nouveau cap.
Malheur, les turbulences nous martyrisent à nouveau, la pluie et la grêle reprennent leur assourdissant concert. La vitesse diminuant malgré la puissance délivrée, on a allumé les phares d’aile et on surveille les hélices. Dès que l’embase des pieds de pales blanchit, on dégivre en activant une petite pompe qui envoie de l’alcool dont l’effet est de faire fondre la glace.
L’avion est alors canardé par les blocs de glace détachés, détonations qui sont la preuve réconfortante que le système fonctionne. Sur les pare-brises, si la glace vient à remporter une victoire totale, nous lui laissons cet honneur, car nous n’avons pas assez de réserves d’alcool de dégivrage que l’on réserve aux hélices.
Nous surveillons aussi les ailes et dès que nous jugeons l’amas de glace suffisant, on active le système pneumatique de dégivrage : c’est un plaisir de voir les boudins de caoutchouc se gonfler en craquelant la couche de glace et de voir des plaques entières de givre blancs arrachées et disparaître dans l’espace.
Dès que nous sortons d’un amas nuageux, vite, avant de replonger dans la fournaise, on observe le ciel. Il y a des éclairs partout, le ciel est parsemé de cumulonimbus, les terribles nuages d’orage, il y en a un peu partout. La succession des décharges électriques est continue et illumine le ciel durant plusieurs secondes pendant lesquelles on y voit comme en plein jour dans un spectacle en noir et blanc.
On avance en zigzagant, tantôt à vue, tantôt au jugé. Les cunimbs se suivent et sans radar, on ne peut qu’espérer éviter les plus gros !...
Fatalement, de temps en temps, on plonge bien malencontreusement au cœur du brasier, et nous sommes saturés de turbulences et de coups de foudre dans un déluge de glace et d’eau assourdissant.
Après le survol de la Crète, les orages se font plus rares, le temps s’améliore.
Enfin, notre épreuve touche à sa fin, les nuages s’espacent, les éclairs sont derrière nous, on voit des étoiles, les cumulus s’éparpillent et on aperçoit très bien leurs masses blanches dans la nuit à présent bien claire. On peut desserrer nos ceintures et revenir à une navigation précise. Nous sélectionnons le VOR d’Iraklion et nous nous établissons avec précision sur notre route pour effectuer des mesures de vent, car la suite du vol jusqu’à Beyrouth se fera uniquement au cap.
Il fait beau sur la Méditerranée, on peut goûter à nos provisions de bouche et boire un café, dans quelques heures nous serons à Beyrouth. Il ne reste plus, en profitant de la nuit, qu’à se faufiler discrètement entre tous ces pays belligérants…
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://img0109.popscreencdn.com/157347039_note-de-musique-musique-porte-musicale-partition-.jpg
« Ta ta ta ta ta ra ra ra …ra ra ra ra ta ta ta ta Ta … »
« Mayday ! Mayday ! Mayday ! »
J’ai entendu une voix lointaine, probablement un jet qui croise quelques 30 000 pieds au-dessus de nous. Aucune réponse, il ne nous reçoit pas. Personne ne nous entend. La nuit est très claire, pas un bateau à l’horizon. C’est qu’il ne fait pas bon se promener dans les espaces aériens et maritimes de ces pays en état de guerre…
L’avion descend, les milliers de pieds s’enchaînent. A travers la pétarade cyclique des moteurs, je perçois parfois des bruits venant de l’arrière. Mes compagnons travaillent à la construction du radeau. Des coups de marteau assourdis se glissent entre les pétarades des moteurs. Nous passons 5 000 pieds en descente, et l’air étant plus dense nous descendons moins vite.
Vers 3000 pieds mes deux charpentiers reviennent au cockpit :
« Alors ?...» m’enquiers-je
« C’est fait, me dit Christian tout en s’attachant. On a utilisé tout le bois disponible et le radeau est devant la porte. S’il tient le choc, il y aura de la place pour nous trois. »
Je regarde notre passager qui ne pipe mot, mais ne montre pas d’inquiétude particulière : voilà une bonne chose !...
Vers 2000 pieds, malgré les sautes d’humeur chronique des moteurs, nous volons quasiment en palier.
Devant nous une pâle lueur annonce la montée du jour alors que nous nous traînons à basse altitude sur la mer dont on distingue à présent l’écume blanche.
Les moteurs continuent à psalmodier leur inlassable dystonie et maintiennent à la vitesse minimale l’avion à très basse hauteur sur les flots noirs.
Au loin, dans l’aube qui rosit l’horizon, on devine les contours d’une masse sombre :
« Terre !... »
C’est ainsi que nous arrivons à Rhodes, bien bas sur la mer, les moteurs hoquetant leur bizarre symphonie, et nous trois bienheureux d’avoir échappé à un bain aux conséquences hasardeuses …
Le soleil s’est levé pour saluer notre atterrissage.
Dès notre arrivée au parking nous sommes entourés de plusieurs curieux et comme il y a parmi eux des mécaniciens d’Olympic Airways en tenue de travail, je leur demande s’il y aurait quelqu’un qui connaîtrait le DC3. Ils sont ravis de nous rassurer : ils entretenaient des DC3 il y a encore deux ou trois ans et ils nous assurent trouver parmi eux plusieurs mécanos qualifiés. En quelques minutes ils amènent des escabeaux, échelles, outillage et décapotent le premier moteur.
Ils ouvrent les magnétos qui sont coiffés d’un couvercle carré de bakélite noire, maintenu par quatre gros boulons. Entre cette coiffe et le bloc, il y a un joint de caoutchouc noir, qu’ils ôtent délicatement car il est très abimé, effiloché par endroit. Je monte sur l’escabeau et ils pointent du doigt des gouttelettes et diverses traces d’eau. Ils les essuient avec un chiffon propre et vont laisser sécher quelques minutes, le soleil étant haut à présent. Sur l’autre moteur à son tour décapoté, les magnétos sont dans le même état.
Je les quitte pour aller au contrôle. Après diverses formalités j’appelle ma compagnie et j’ai le patron au bout du fil.
Entre-temps les moteurs ont été mis en route et je les entends ronfler dans le lointain.
J’explique brièvement à mon patron notre mésaventure.
« Où en sont-ils avec les moteurs ? »
Je jette un œil par la fenêtre, tends l’oreille et rapporte le résultat de cette fine analyse…
« Ils les font tourner… ça à l’air de tourner rond … »
« Alors qu’est-ce que vous attendez pour repartir ?!... » Il me raccroche au nez. Ni salutations, ni respect, aucune inquiétude pour les vies que nous avons risqué, et que nous risquerons pour lui. On aurait pu se noyer, qu’est-ce qu’il en a à faire, les relations humaines n’étant pas sa priorité qui est de faire de l’argent sur notre dos.
Je retourne à l’avion où l’on m’explique ce qui a été entrepris. Le soleil de cette belle matinée a vite séché les magnétos et les mécanos ont tout remonté et mis en route : les moteurs fonctionnent parfaitement, à tous régimes.
Je regarde Christian : « Il n’y a plus qu’à repartir … »
Pendant ce temps, notre passager a décidé qu’il en avait assez fait, et il a retenu une place sur le vol Olympic Airways Rhodes-Athènes, puis Athènes-Damas. Le premier arrivé attendra l’autre, car il n’est pas question pour lui de remonter dans notre DC3. Cette expérience lui a suffit.
Deux jours plus tard, nous sommes de retour à notre base sans rencontrer aucun problème avec nos moteurs, les joints des magnétos sont remplacés et à ma connaissance on ne rencontrera plus jamais cet étrange phénomène.
Mon analyse est que sur la partie du vol entre Kerkira et Iraklion, nous avons rencontré et subi énormément de précipitations. De l’eau a dû passer à travers les joints détériorés des magnétos et entraîner le phénomène que nous avons eu.
A Rhodes, elles ont été essuyées puis séchées par le beau soleil de cette douce matinée, et elles ont retrouvé un fonctionnement normal.
Si nous avions amerri de nuit, Dieu seul sait ce qu’il aurait pu se passer dans les eaux froides de la mer Méditerranée…
A aucun moment, ni Christian ni moi n’avons enfilé nos gilets de sauvetage.
Epilogue :
Deux décennies plus tard, je rencontre en escale un vieux camarade perdu de vue qui est comme moi commandant de bord sur B777, mais dans une compagnie française basée sur une île de l’Océan Indien. Nous entrainons nos deux équipages dans un restaurant pour un repas fraternel. Au cours du repas nous évoquons notre passé sur DC3 et j’en viens à raconter cette mésaventure.
A la fin, il me demande qui était le copilote. Je ne m’en souvenais plus.
Il sourit : « C’était moi … »