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    Jean, l'Unique !...

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    Message par eolien Mar 15 Déc 2015 - 14:54

    J'ai eu, pilote dans une compagnie qui exploitait des F27A, la chance de côtoyer un ancien pilote de Mirage, un de ces "Moustachus" comme on n'en fera plus, qui avait tout : la gueule, le talent, la prestance qui en imposait. N'étant pas autorisé à dévoiler ici son identité, je l'appellerai Jean l'Unique.
    Unique parce qu'il l'était, tant pas ses qualités de pilote, que par sa personnalité hors du commun.

    Déjà, sur Mystère IV, il avait imposé sa marque.
    Cet avion présentait un risque très grave en cas de difficulté sur une jambe de train, soit parce qu'elle ne voulait pas sortir, soit descendue mais non verrouillée et qui ne voulait pas se sécuriser bas, qui ne voulait pas non plus remonter pour permettre un atterrissage sur le ventre. Pour ceux qui avaient tenté l'atterrissage dans ces conditions, l'affaire s'était terminée en boule de feu.
    La consigne était alors l'éjection.


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    Jean l'Unique a eu ce cas de figure.
    "Remontez et éjectez-vous mon Capitaine !" demanda l'officier à la radio.
    " Négatif ! je vais sauver la bagnole !..." rétorqua Jean l'Unique, de sa voix grave et rocailleuse.
    Ce merveilleux pilote savait qu'il y avait un muret à la lisière de l'aérodrome. Voilà le Mystère IV qui déboule plein tube sur la piste, au raz du bitume, qui fonce vers le muret et Pan ! la jambe récalcitrante est arrachée pour un atterrissage à suivre sur le ventre, sans gros dégâts : l'avion réparé a repris son service.

    Jean, l'Unique !... Th?&id=OIP.Md6f5e0cc14254be83d953faef4f8489ao0&w=300&h=218&c=0&pid=1


    Quelques années plus tard, Jean l'Unique rentre de mission sur son Mirage III. Il n'est plus très loin quand ... plouf ! ...extinction réacteur !...
    Le Mirage est encore assez haut, son siège éjectable réglé pour une décharge modérée.
    " Ejectez-vous mon Commandant !" demande l'officier à la radio.
    " Négatif ! je vas sauver la bagnole !..." rétorque Jean l'Unique, convaincu d'arriver jusqu'à la piste en vol plané.
    " Impossible mon Commandant, vous êtes trop loin, éjectez-vous !..."
    " Négatif ! ... je vais sauver la bagnole !..." assure ce pilote d'exception.

    Malheureusement, le Mirage III en vol plané a des caractéristiques plus proche du caillou que de la buse tournoyant sous un cumulus de beau temps. Le radio essaye bien de convaincre qu'il voit clairement sur sa position au radar qu'il n'a aucune chance d'atteindre la piste, rien n'y fait. le Mirage dégringole dans les nuages, l'oeil de son pilote alternant dedans et dehors, espérant voir débouler devant ses yeux une accueillante bande d'asphalte d'un gris joyeux.
    L'altitude minimale d'éjection haute est franchie et c'est d'un doigt qui ne tremble pas que le pilote impétueux règle le siège éjectable sur 0/0, valeur qui garantit un coup de pied au cul d'une intensité maximale.
    Lorsque le Mirage sort des nuages le sol est proche et se rapproche à toute vitesse.
    Jean l'Unique lève les bras, attrape la poignée du siège éjectable qu'il rabat devant lui jusqu'à placer ses poings sous le menton, se crispant dans l'attente du terrible choc et comptant les 3 secondes règlementaires qui permettent au sacrifié de se rassembler, physiquement et mentalement pour affronter dans les meilleurs conditions la faramineuse explosion.
    "1,2,3 !"
    Rien, il ne se passe rien. 
    affraid
    **************************************************************************************************************************************************************



    Il faut que je m'absente, je reprendrai si la suite vous intéresse ... 
    " à suivre ..."


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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par Poncho (Admin) Mar 15 Déc 2015 - 16:21

    La suite la suite (ce message s'autodétruira ou sera déplacé quand la suite arrivera)


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    Message par Beochien Mar 15 Déc 2015 - 16:37

    Ben, il va se faire une vache ...
    nico cmb
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    Message par nico cmb Jeu 17 Déc 2015 - 21:09

    le suspens est insoutenable Neutral
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    Message par eolien Jeu 17 Déc 2015 - 22:37

    Ah ! Oui ... je reprends quelques lignes ...

    Croyant à une défaillance de son siège éjectable Jean l'Unique se penche pour attraper la poignée de secours, et, alors qu'ils est tordu vers l'avant, avant que sa main n'ait eu le temps de saisir la poignée, ce n'est pas "Pan !" mais "Boum !!!..." et Jean l'Unique est cassé en deux par la décharge qui explose sous son siège ....
    Dans l'urgence, voyant le sol tellement proche se rapprocher tellement vite, Jean a compté jusqu'à 3 mais a compté trop vite. Le coup est parti alors qu'il était dans la plus mauvaise des positions, penché en avant, le dos en torsade, les muscles relâchés ...

    Quelques mois plus tard, à l’hôpital des grands traumatisés, Jean l’Unique git sur don lit, paraplégique. Du niveau de la ceinture à celui du bout des orteils le mouvement, cette merveilleuse combinaison de nerfs, de muscles et d'os est éteint. Le mouvement, cette chose si simple, si naturelle, tellement instinctive, qui ne demande que si peu et qui permet tant, ce fruit né du génie de la nature qu’un siège trop brutalement expulsé d’un tas de ferraille a brutalement anéanti.
    Jean l’Unique le sait, il ne remarchera jamais plus. Il ne pilotera jamais plus. Sa vie s’est éteinte avec l’extinction d’un réacteur.

    Un jour, des médecins entourent son lit. Ils supputent, observent ce grand gaillard qui surmonte l’épreuve avec courage. L’un d’eux propose un traitement qu’un autre approuve.
    « Cher confrère que penseriez-vous de tenter cette thérapie sur ce patient … »
    « Non, inutile, répond celui qui mène le groupe. Inutile de perdre son temps avec lui, assène-t-il avec dédain. Il ne remarchera jamais … »
    Lorsqu’ils quittent la chambre Jean l’Unique ordonne à son épouse :
    « Va, relève son nom, si un jour je remarche j’irai le trouver … »

    à suivre ...


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    Message par Poncho (Admin) Jeu 17 Déc 2015 - 23:40

    Ah ben non !
    C'est bref !


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    Message par voodoo Ven 18 Déc 2015 - 12:56

    La suite, vite, la suite....
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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par c.foussa Sam 19 Déc 2015 - 18:16

    Ces derniers mots du chirurgien me rappellent qq instants de ma formation d'ado au pilotage sur Jodell 112 (bel avion ! mais quel instructeur Evil or Very Mad ) et sur planeur en bois.

    Certes ce jour là, je n'ai fait que 30 minutes de vol en thermique, mais j'ai entendu mon instructeur dire à un autre instructeur: le mien n'a fait que 30 minutes, pas étonnant...

    Ce grand instructeur est mort de ses insuffisances, quant à moi, j'ai progressé et je finis qq décennies qui m'ont beaucoup enrichi et amélioré.

    La suite, eolien !
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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par Apollo11 Sam 19 Déc 2015 - 21:05

    Assez curieusement les abrutis exercent toutes sortes de métiers. Ceci dit, avec une colonne vertébrale en compote, il y avait quand même un piège.
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    Message par eolien Dim 20 Déc 2015 - 15:20

    A ce stade du récit, je ne peux pas me soustraire à la réalité des mots, fussent-ils très crus …
    Car Jean l’Unique me l’a confié, son premier réveil anatomique fut polisson. Une bonne surprise matinale dont il m’a dit qu’à partir de là avoir porté cet espoir :  « Si ça reprend là ça reprendra aussi pour le reste !… » Embarassed
    Et tout est revenu. Certes, des mois de galère, mais ce valeureux guerrier réintégra le monde des valides dans la quasi plénitude de ses moyens.

    J’ai demandé à son épouse s’il avait retrouvé le médecin qui l’avait si mal traité.
    Jean l’Unique est allé sonner à sa porte : » Vous vous souvenez de moi ? » et pan ! à la John Wayne,  un bon gnon sur le pif et l’affaire était réglée.

    Un jour que Jean se vantait de ses exploits footbalistique qu’il appuyait d’une longue expérience de joueur, son épouse me confia en aparté qu’à dix-sept ans il avait tabassé un arbitre et qu’une radiation s’ensuivie, mettant un terme définitif à « sa longue carrière » …

    Sa licence de pilote retrouvée mais devenu inapte au siège éjectable Jean l’Unique fut muté sur les KC 135 dont il devint le Patron de l'ERV Aunis avec le grade de Commandant.

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    Hao 1972 :
    Un KC 135 s’écrasa en mer. De nuit, après le décollage, il perdit un moteur, puis un autre, puis un autre et l’avion s’abima en approche finale de la piste de Hao.
    http://aviateurs.e-monsite.com/pages/1946-et-annees-suivantes/perte-du-c-135-473.html

    Il se dit que suite à cet accident Jean l’Unique se prit de bec avec sa hiérarchie et quitta l’Armée de l’Air avec le grade de Colonel.

    Arrivé à ce stade du récit, j’ai demandé à un de mes camarades de classe, nous étions dans la même promotion à l’ENAC, de venir m’épauler.
    Déjà inscris ici sous le pseudo yptj, ce pilote (qui a terminé CDB B777) a connu Jean L’Unique avant moi, puisqu’ils furent les premiers pilotes qualifiés sur les F27A  exploités au départ de la Nouvelle Calédonie.
    Je lui laisse la plume …  Smile


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    Message par Poncho (Admin) Dim 20 Déc 2015 - 19:35

    CooL !
    mErci


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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par yptj Lun 21 Déc 2015 - 1:39

    Bonjour à Toutes et Tous,
    J'apporte ma contribution à Eolien pour relater, la vie aéronautique exceptionnelle, de Jean l'Unique que j'ai eu la chance de fréquenter.
    Jean l'Unique fut mon Chef Pilote pendant quatre années. J’en garde un souvenir ému. Il fait partie des quelques rares personnes qui auront marqué mon existence. D’un physique hors du commun avec ses yeux bleus et sa stature massive, il imposait un profond respect. Elève de l’Ecole de l’Air à Salon-de-Provence il faisait déjà partie de l’élite. Pilote de chasse et guerrier dans l’âme, ses récits d’actes de guerre durant la guerre d’Algérie suscitaient toute mon admiration. Son éjection de son Mirage III suite à une panne du réacteur alors qu’il était en approche sur la base de Nancy, démontra sa grande résistance physique puisqu’il resta inerte dans une position inconfortable avec de graves lésions dans une forêt le temps que les secours ne le découvrent quelques heures plus tard. Sa carrière militaire exceptionnelle et ses coups de “folies” tels que le survol, en vitesse supersonique et à basse altitude, de son village « Cerisiers » dans l’Yonne qui provoqua le bris des vitraux de l’église et la mort de milliers de faisans en gestation dans un élevage, semblaient vraiment irréelles. Sa transformation en pilote de ravitailleur en vol sur le KC135 Supertanker a été la concrétisation d’une progression au sein de l’armée comme peu peuvent s’enorgueillir. Colonel promis à finir sa carrière Général, s’il n’avait pas tenu tête à ses supérieurs, il décida de quitter l’armée de l’Air pour continuer son brillant parcours dans le civil. Homme de commandement, il ne pouvait se retenir de donner et d’imposer son avis. Sa conversion dans le civil eut lieu au sein de la Compagnie Rousseau Aviation à Dinard puis de la Compagnie TAT à Tours où il eut des fonctions d’instructeur et d’encadrement. Ses coups de gueule avec le P-DG Monsieur Marchais le contraignirent une fois de plus à démissionner pour accepter la place de Chef pilote à Nouméa où il termina sa carrière.
     
     
    Nos escales éclairs à Port-Vila (ex Nlles Hébrides), avec Jean étaient toujours animées, très mouvementées et exaltantes. Il organisait tout et il fallait toujours être d’accord avec lui dans l'intérêt de tous. A peine arrivés, il fallait louer une voiture qu’il conduisait toujours et sans ménagement. S’il prenait l’idée de faire le tour de l’île, nous le faisions à toute allure. S’il décidait d’aller explorer une cascade, d’accord ou pas, il fallait s’y baigner et y plonger en se lâchant d’une liane. Les repas étaient sacrés pour lui, il fallait toujours manger bon, copieusement et bien arrosé et gare à ceux qui n’adhérait pas à ce concept...
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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par Poncho (Admin) Lun 21 Déc 2015 - 11:25

    Bonjour
    Merci YPTJ ! (on va finir par trouver le nom)


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    Message par eolien Mar 22 Déc 2015 - 0:26

    Ma première rencontre avec Jean l’Unique fut à l’occasion de mon premier courrier en Nouvelle-Calédonie, dit de « reconnaissance de ligne ». Mon ami Yptj venait de libérer son poste de commandant de bord pour un poste en métropole, et de Tahiti où j’exerçais je fus muté à Nouméa pour le remplacer.

    J’embarquais dans la voiture de service où se trouvait déjà l’hôtesse. Arrivés devant la maison de Jean, qui se trouvait en surplomb, la conductrice klaxonna, signal convenu pour le PN de se présenter au départ.
    Après plusieurs coups de klaxon, la conductrice nous indiqua un type en slip blanc à l’ancienne, (!), qui nous faisait de grands gestes du bras.
    « Il faut monter » fit la conductrice en s’engageant dans une allée en forte pente.

    Jean l’Unique m’accueillit ainsi, un « marcel » délabré qui ne cachait pas la vaste poche frontale de son vieux slip.
    « Alors c’est toi le nouveau commandant ? » qui était plus un constat qu’une question puisque mes épaules étaient décorées des galons de la fonction.
    « Venez, on va boire un café ! »
    Il fallut dégoter la cafetière, préparer le café, ce qui prit du temps. Je m’inquiétais de l’heure. Le schéma était deux heures avant au départ de Nouméa pour être aune heure avant le décollage à l’aéroport. Les deux heures étaient déjà bien entamées.
    Je m’inquiétais vraiment, l’heure tournait et le commandant Jean était toujours en slip. Etait-ce un test ? Voulait-il mesurer mon autorité ? J’allais vite découvrir que ce n’était pas dans le personnage. Si je le sollicitais sur l’horaire il m’envoyait paître : c’était lui le patron.
    Pendant qu’il s’habillait je vérifiais l’horaire auprès de l’hôtesse : « C’est fichu, me confirma-t-elle, on aura au moins une demi-heure de retard ! »
    Enfin, Jean l’Unique fut prêt, en uniforme, le poil bien brillant, l’oeil vif.
    Nous serions 5 : Jean, son épouse, une jeune fille qu’ils hébergeaient et qu’ils ramenaient à ses parents à Port-Vila, l’hôtesse et moi.
    Après avoir entassé les bagages et nous-même dans la voiture de service, nous avons quitté la maison avec presque une heure de retard. Les passagers seraient bientôt prêts pour l’embarquement et il restait une heure de route pour rejoindre l’aéroport de Tontouta.

    Quelques minutes de trajet et la voiture nous déposait sur le parking du petit aérodrome de Magenta où Jean m’apprit en rigolant du bon tour joué qu’il avait son propre avion : nous serions à l’heure. Enfin, pas trop en retard …

    Là où les choses se dégradèrent c’est lorsque Jean l’Unique se gratta la tête : il avait prêté son avion et on le lui avait rendu les réservoirs pleins. Or cet avion avait des réservoirs supplémentaires ce qui limitait la charge. Avec tous nos bagages, cinq personnes, c’était inconcevable, le départ devait être annulé. La situation était fichue.

    Jean ordonna l’embarquement. Malgré mes faibles, timides doutes exprimés avec diplomatie, Jean nous fit fourrer, entasser nos sacs et valises, je grimpais à l’arrière, avec l’hôtesse et la jeune fille assise entre nous. Sur les sièges avant, Jean et son épouse. Sur mes genoux, ma pilot case, des sacs. J’étais coincé et un sentiment claustrophobique pointait le nez …

    Une fois prêt, Jean aligna son avion au plus juste sur la piste, face au Sud. J’essayais de regarder par-dessus mes bagages et par-dessus les larges épaules de Jean l’Unique qui mit plein gaz. L’avion trop lourdement chargé accéléra lentement, poussivement …
    Je trouvais l’accélération bien lente et le bout de piste qui se rapprochait bien vite.
    A quelques mètres de la fin de piste, je compris que nous n’aurions jamais atteint la vitesse de décollage à temps.
    Arrivé à l’extrémité de piste Jean tira sur le manche. L’avion se souleva et se retrouva sur la mer, volant si on peut appeler ça voler assez cabré. Le cockpit était envahi par le cri strident du klaxon de décrochage qui sonnait sans interruption …. coiiiiiiiiiiiiiiiiiinnn ….
    L’avion se trainait sur l’eau au second régime, il ne tenait l’air que par l’effet de sol, ne gagnait pas un centimètre d’altitude, ni un kilomètre-heure de vitesse, dans un équilibre précaire qu’un rien pouvait rompre.

    Horrifié, je voyais devant moi, les maisons qui fleurissaient une langue de terre pile poil dans l’axe de la piste (voir photo ci-après) . Trente-cinq ans après, je les vois encore … Elles étaient toutes posées plus haut que notre avion qui rasait l’eau et se précipitait dessus.
    Terrifié à l’idée d’un crash où je serais coincé à l’arrière de l’avion bourré d’essence j’écarquillais les yeux alors que mes orteils se recroquevillaient : nous allions percuter les baraques, c’était inévitable.

    à suivre …

    Jean, l'Unique !... Magent11


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    Message par Philidor Mar 22 Déc 2015 - 8:14

    Quel art du suspense ... Vite la suite !
    nico cmb
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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par nico cmb Mar 22 Déc 2015 - 8:23

    Shocked
    Avionvol
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    Message par Poncho (Admin) Mar 22 Déc 2015 - 9:08

    Tiens, on dirait que Jean l'unique serait du genre à faire pêter les fusibles des ordinateurs de bords pour cause de panne récurrente ?
    Après il a l'air de savoir assumer derrière


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    Message par Apollo11 Mar 22 Déc 2015 - 18:59

    Poncho (Admin) a écrit:Tiens, on dirait que Jean l'unique serait du genre à faire pêter les fusibles des ordinateurs de bords pour cause de panne récurrente ?
    Après il a l'air de savoir assumer derrière

    Du genre caractériel talentueux peut-être ? Pas facile professionnellement, et pas sans risque.
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    Message par eolien Mer 23 Déc 2015 - 9:54

    Mon premier emploi fut de transporter des fraises en DC3, entre Brest et Exeter. Trois tonnes cinq à l'aller, vide au retour. De nombreux gourmets de sa gracieuse majesté auront été floués car nous en aurons dévoré des milliers, allégeant d'autant chaque barquettes ...
    Le commandant de bord, un ancien de l’Armée de l’Air, au caractère difficile, adorait le rase-mottes. A vide, on fonçait vers Brest, au ras mais alors vraiment au ras des vagues. Quand on volait tout droit ça allait, j'avais fini par prendre confiance en son adresse et son coup d'oeil. Là où je me recroquevillais mentalement, c’était dans les virages, alors que ce pilote titillait du saumon d’aile les vagues les plus audacieuses.  Ce qu’il aimait par dessus tout, c’était de passer sous l’étrave des gros bateaux. Je me souviens des marins qui nous faisaient bonjour, penchés sur nous en agitant les bras …
    Peut-être ont-ils pris mes grimaces pour des sourires ?…

    Les plaisanciers flânant sur cette minuscule baie qui décore le bout de piste de l’aérodrome de Magenta ont peut-être cru, eux aussi, que je souriais, car à peine étions nous écumant les minuscules rides de cette toute petite baie que je vis le bout d’aile s’incliner pour aller flirter avec les vaguelettes qui ridaient cette petite anse.

    Joly et Délémontez ont fait une bien belle aile et bien utile avec ce dièdre qui évite de se planter dans l’eau lors des virages désespérés d’un avion en surcharge telle qu’il ne peut ni monter, ni accélérer.
    Toujours est-il que l’autre aile effleura un cocotier avant de se retrouver à plat, cap au large.
    Jean se retourna en partie, riant d’une grimace ironique contre ce destin qu’il s’acharnait à provoquer.

    Je soufflais. Avais-je respiré pendant ces quelques secondes d’effroi ?…
    Jean dit quelques mots que personne ne comprit, ils étaient couverts pas le hurlement du klaxon de l’alarme de décrochage.
    Une fois dégagé des récifs, en fait de quelques mètres, Jean inclina l’avion à droite pour longer la côte jusqu’à Tontouta. Le klaxon ne cessa pratiquement pas de vriller nos tympans. Imperturbable, Jean s’annonça à la radio aux altitudes règlementaires, bien que toujours rasant les flots car toujours volant au second régime, soutenu par l'effet de sol, dans cette zone du domaine de vol où la puissance du moteur plein gaz n'était pas suffisante pour l'arracher à cet espace vulnérable.

    Jean, l'Unique !... Courbe_puissance_vitesse

    Il faisait un temps radieux, à la longue, tout au long de cette petite vingtaine de minutes de vol j’aurais pu me détendre si une question angoissante n’avait cessé de se poser à moi : comment va-t-on faire pour passer la côte juste avant l’aéroport.
    Jouant habilement avec son avion, les vents et son flair, Jean nous fit contourner la pointe sablonneuse au nord de la piste, et hop, dans un dernier hurlement de l’alarme de décrochage il sauta  un petit talus pour poser les roues sur les peignes de l’entrée de piste et finir sa course juste à côté du Fairchild qui nous attendait sur le parking de l’aéroport, prêt au départ.
    « Tu t’occupes de l’avion, je vais aux opérations m’occuper du reste !… »
    Je débarquais les bagages de tout le monde, rassemblais mes affaires et me précipitais vers le poste de pilotage du Fairchild tandis que fier comme Artaban Jean entrainait son épouse, l’hôtesse et la jeune passagère vers l’aérogare.
    Pour lui, tout allait bien, tout roulait sur des roulettes.

    Arrivés à Port-Vila, avec un retard dont personne ne s'aventura à lui demander les raisons, un constat s'imposa lorsque son épouse lui demanda pourquoi leurs bagages n'étaient pas avec ceux des autres passagers. Jean, la bouche ouverte, les yeux écarquillés, restât quelques instants interdit.
    "Sur le parking les valoches ! Sur le parking les valoches !" hurla-t-il de sa voix rocailleuse.

    Leurs bagages, tous leurs bagages étaient restés là où je les avais laissé, au pied de son avion.

    Ce n’étais que la première étape d’un long week-end qui allait se révéler riche en péripéties inoubliables …


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    Jean, l'Unique !... Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par yptj Jeu 24 Déc 2015 - 0:28

    Les anecdotes des péripéties extravagantes de jean l’Unique ne manquent pas…
     
    Si l’un d’entre nous avait fait le dixième de ses exploits nous aurions tous été licenciés sur-le-champ. Pour lui rien n’était impossible et il se jouait de tout et de tout le monde car il savait que personne n’oserait lui tenir tête.
     
    Sa fonction de responsable et de chef pilote aurait dû lui imposer un devoir de réserve et de respect de la réglementation pour l’exemple. Or il n’en était rien, il faisait ce qu’il lui plaisait, il n’avait aucun interdit. Il lui est arrivé d’aller faire de l’entraînement à l’île Ouen, aérodrome minuscule avec une piste en herbe de 350 mètres, ne permettant nullement de redécoller. Seuls des « touch and go » pouvaient, à la rigueur être possibles. Il fallait tout simplement ne pas avoir besoin de s’arrêter, sinon la seule alternative aurait été d’y installer un bar-restaurant dans la carlingue !
     
     
    Une autre extravagance a été de faire du vol en patrouille avec le second Fokker à l’insu de l’autre Commandant de Bord. Décollé en second avec l’espacement réglementaire, il chercha à rattraper le collègue par quelques subterfuges, vitesse élevée, raccourcissement de la trajectoire, pour ensuite le coller à l’arrière à quelques mètres, si près qu’il fut alors impossible de photographier l’avion poursuivi.
     
     
    Lors d’un vol vers Port-Vila, l’hôtesse chevronnée Mérignac, lui lança en début de montée de Nouméa, un pari idiot que Jean prit à la lettre :“Jean tu n’es pas capable de te poser avant la bretelle du taxiway de Port-Vila”. Le taxiway se trouvait à 400 mètres du seuil de piste ce qui sous-entendait de toucher rigoureusement au début de la piste et de freiner très violemment. Jean faisait partie des gens qu’il ne fallait jamais défier. Il se fit un point d’honneur, mal placé, de relever cette absurdité. J’étais son copilote. Je pensais que la raison allait l’emporter et ne tenais pas compte sur le coup de son auto excitation sur ce projet fou. Peu avant la descente sur Port-Vila, je compris que sa résolution était toujours d’actualité. Ma tentative de le raisonner ne fut pas probante et je dus me soumettre à sa décision. Après une approche dans un état de surexcitation nous touchâmes fermement comme prévu à l’entrée de piste, un freinage ultra puissant suivit immédiatement et nous dégageâmes à la bretelle comme planifié. Jean était satisfait et l’hôtesse bluffée, seulement voilà, à notre arrivée sur le parking, les pompiers commençaient à s’agiter en même temps que la tour de contrôle nous avisait qu’une épaisse fumée noire se dégageait du train d’atterrissage droit. Il s’agissait bien d’une surchauffe de freins suite à l’utilisation intensive que l’on venait de leur faire subir. Aussitôt stationné, nous avons dû nous rendre à l’évidence, le système anti-patinage d’une des roues droite s’était bloqué et avait découpé la flasque de la roue. Le bloc de frein ainsi que la roue devaient être changés. L’avion ne pourrait pas repartir bien que Jean ait proposé de repartir à vide sur trois roues ! J’ai pu avec l’aide des deux autres collègues présents de le convaincre de rester à Port-Vila. Il ne lui fut rien demandé sur les circonstances de cette péripétie et l’incident fut clos…
     
     
    A suivre...
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    Message par eolien Sam 26 Déc 2015 - 11:33

    Je passerai rapidement sur notre passage à la boutique de l’hôtel où Jean l’Unique nous entraina pour se faire un petit vestiaire, le temps de récupérer ses bagages qui arrivèrent le lendemain.

    Ayant abandonné son uniforme dans une allée il nous héla pour quérir notre avis sur ses choix. Moulé dans un tee-shirt jaune canari, un slip de bain noir un peu juste et plus petit que son slip blanc, il s’exhibait, tout content de ses trouvailles.
    Je passerai sur les gloussements des touristes japonaises, la main devant la bouche comme le veut la tradition, sur les cris des australiennes hurlant de rire, sur les « Oh my God » stridents des américaines à la vue du phénomène …
    Une fois arrivés à la caisse il me montra du doigt une paire de godillots usagers posés là :
    « Tu vois, on avait les même dans l’Armée de l’Air … j’en ai gardé une paire … on ne fait pas mieux… »
    Son épouse se pencha regarda ses chaussettes et secouant la tête d’un air désespéré. C’étaient ses propres godillots qu’un touriste avait déposé sur le comptoir …

    Je passerai donc sur tout un tas d’excentricités pour en venir au lendemain, pour la deuxième étape : Port-Vila -Espiritu Santo.
    Sitôt décollé il me demanda :
    «  Tu as déjà fait la route par les volcans ? »
    - Non, c’est mon premier courrier ici …
    « Alors, on va la faire ! » et joignant le geste à la parole il bascula le Fairchild vers la droite …
    « Annonce au contrôle qu’on est à 8000 pieds ! »
    - Mais on est à 1500 …
    «  Annonce 8000 je te dis ! »
    Un ordre de Jean l’Unique ne se discutant pas, je m’exécutais alors que l'avion descendait à basse altitude sur l'Océan ...
    Jean déploya une grande carte topographique, prit son micro d’un main, le volant de l’autre. Il ne voyait plus les instruments et le Fairchild oscillait gentiment, montant descendant, de droite à gauche vers les volcans qui émergeait plus très loin sur la mer.
    « Mesdames et messieurs sur votre droite le volcan de Makura … non … c’est … »
    Le Fairchild s’inclina, que Jean redressa d’un coup de main adroit, mais ce faisant, la carte glissa sur ses genoux. Ne voulant pas lâcher le micro, Jean sacrifia le volant pour rattraper la carte qui persistait à glisser vers le plancher.
    « Ah ! … putain ! … merde !… »
    La carte fut replacée devant lui mais l’avion en avait profité pour prendre 30 degrés de gite et perdu quelques centaines de pied qu’il récupéra en ronchonnant. Une fois la situation a peu près rétablie, il reprit ses commentaires.
    « Alors à droite c’est Malakoff … non, merde, c’est Makura !… aaah !… »

    Jean, l'Unique !... F_27_v10

    La carte ne lui accorda que deux ou trois secondes de répit avant de s’échapper dans une glissade entre les commandes des moteurs et le volant. La rattraper eut un prix, un petit piqué et un vol tranche qui permit aux passagers de gauche de bien voir la mer et à ceux de droite de bien voir le ciel.
    «  Ah ! Bordel … putain !… «
    Jamais Jean l’Unique n’accepta que je l’aide, comme jamais il ne lâcha le micro.

    Plus tard l’hôtesse me dit : «  On ne comprenait rien mais alors rien à ses explications sur les volcans, par contre, bien que ça tanguait pas mal, on a raté aucun de ses jurons …  c’est la seule chose que l’on comprenait ! »

    C’est ainsi  que je découvris la route des volcans, je dois avouer cependant que je n’en ai pas retenu grand chose, étant plus préoccupé par le devenir immédiat de nos évolutions dont les parties les plus basses nous faisait faire des ressources très bas sur la mer …


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    Message par yptj Sam 26 Déc 2015 - 17:48

    Pendant une escale de quarante-huit heures d’un vol charter vers l’île australienne de Norfolk entre la Nouvelle Calédonie et la Nouvelle Zélande, une des roues du train principale s’est dégonflée lentement suite à une crevaison. Rien de grave en soi car pour ce genre de vol éloigné et sans support technique une roue de rechange se trouvait toujours à bord. Seulement voilà, après son montage, celle-ci était également à plat, et cette fois il n’y en avait malheureusement plus d’autre de remplacement. Après expertise il s’est avéré que la première était bel et bien crevée et que la deuxième était restée à sa pression de stockage et qu’elle aurait dû être regonflée avant d’être remontée. Le deuxième Fokker vint le lendemain apporter des techniciens et le matériel de rechange. A son retour Jean fut convoqué par Monsieur S.., Directeur Régional d’UTA, pour s’expliquer de cette erreur. Se doutant de la remontrance, il alla au devant des explications en emmenant avec lui dans le bureau de Monsieur S... , une roue de Fokker pesant dans les quatre-vingt kilos. Il posa avec vigueur la roue sur le bureau pour justifier son argumentation. La démonstration a été probante bien que douteuse. Le directeur s’était abstenu de l’accuser certainement par crainte de la réaction violente qu’elle aurait pu entraîner. Son influence et sa personnalité avaient une fois de plus intimidé son interlocuteur.
     
    Jean aimait la bagarre et n’hésitait pas à prendre partie dans une dispute, quelle qu’elle fut. Je l’ai vu prendre la défense d’un blanc contre un noir dans l’aérogare de Port-Vila sans savoir exactement qu’elle était l’origine du conflit. Il se battit en uniforme devant nos passagers tel un justicier et laissa sur le carreau le pauvre Néo-hébridais. Aucune suite ne fut donnée à cette altercation...
     
    Une autre fois lors d’une montée à l’aéroport de La Tontouta avec sa voiture personnelle à la sortie de Nouméa il crut voir une voiture lui faire une queue de poisson. Je n’avais pas spécialement remarqué cette manœuvre, mais Jean en était persuadé. Il entreprit alors une course-poursuite du véhicule, le rattrapa et le coinça contre le trottoir. Il y avait cinq occupants qu’il sommait de descendre, les quatre portes étaient verrouillées. Sous les injures le conducteur consentit à ouvrir sa vitre pour tenter de discuter, peine perdue puisqu’il reçut un magistral coup de poing sur la figure. L’homme porta plainte, il s’avéra que ce monsieur était médecin à l’hôpital Gaston Bourré. Pendant le vol, Jean se plaignit avoir de plus en plus mal à la main. Au retour nous nous sommes arrêtés à la clinique Magenta pour montrer sa main. Une radio montra une fracture avec un débris de dent incrusté dans la chair, il fut plâtré quelques semaines. Quelques jours plus tard il réussit à ce que le médecin retira sa plainte…
     
    A Wallis, il reçut par surprise un coup de poing par un grand et fort wallisien, vraisemblablement pour une histoire de femmes dont il était très friand. Un de ses yeux était dans un état spectaculaire. Le blanc injecté de sang et l'œil largement au beurre noir, son allure était impressionnante. Son visage était devenu horrible et bien malgré ça il continua à voler avec une énorme paire de lunettes de soleil, comme si de rien n’était.
     
    Jean accomplit son dernier vol avec panache. Dès l’atterrissage, sans dire un mot, il coupa sur la piste les deux moteurs de son Fokker, ouvrit la porte cargo, sauta sur le bitume et abandonna son équipage et ses passagers tels quels. Il partit seul tranquillement avec sa sacoche de vol. Ce fut un adieu quelque peu spécial mais collant tellement à son personnage qu’il n’étonna personne. Cela prouvait qu’il aimait l’aviation par dessus tout… Il nous quitta quelques années plus tard en 1986.
     
     
    Fin de mes anecdotes de Jean l'Unique
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    Message par eolien Mer 30 Déc 2015 - 21:35

    P
    Jean l'Unique me sollicitait lorsqu'un copilote était en vacances, et comme nous nous entendions bien je répondais d'autant plus à sa requête que je savais partir pour une aventure cocasse.

    Jean avait découvert un nouveau jeu : il réduisait les deux moteurs à un point par lui déterminé et le jeu consistait à rallier le parking sans plus toucher aux moteurs, descente en vol plané, atterrissage, roulage compris.

    Je disais " Jean tu vas être trop court ..."
    Il me regardait et me rabrouait d'un amical "Petit con !..."
    Et, sans coup férir, sans avoir besoin de réajuster la puissance il touchait pil-poil sur les peignes d'entrée de piste. Bien sûr il arrivait trop vite à la bretelle de sortie perpendiculaire à la piste, virage de 90 ° à droite qui faisait hurler les pneus, puis arrivé sur le parking virage de 90 °à gauche suivi d'un 180° pour terminer devant la porte de l'aérogare.
    Il serrait le frein de parc et me regardait, rigolard : " Alors, je l'ai pas fait la piste ?!..."

    Lorsque c'était mon tour, je dois pour la vérité dire que je devais souvent intervenir pour modifier ma trajectoire.

    Ce qui conduit à l'incident relaté ci–dessus par Yptj et dont on m'avait précisé quelques détails.

    Au moment du départ, ayant constaté au parking sur l'île de Norfolk que la roue avant était dégonflée il avait décidé son remplacement par la roue de secours, transportée ainsi que l'a précisé Yptj partiellement dégonflée en raison du vol pressurisé.
    Il aurait fallu un cric. L'ingénieux eut alors une idée. Il fit amener un tréteau qu'il plaça sous la queue de l'avion. Puis il fit monter des passagers qu'il entassa à l'arrière jusqu'à ce que l'avion bascule sur le cul pour se poser sur le traiteau.
    Chose faite, il dirigea le changement de roue. Le travail une fois accompli il fit descendre les passagers jusqu'à ce que l'avion bascule pour reposer sur sa roulette de nez.
    Le retard étant conséquent il précipitât le départ et roula vite, très vite, comme à son habitude. Dans un virage la roue à trop basse pression ne supporta pas la torture et creva, sonnant le glas des espoirs de départ de Norfolk.
    Yptj ayant raconté le dépannage j'en viens à l'incident chez le directeur de la compagnie.
    On m'a dit que Jean aurait eu les oreilles irritées par un bruit venant du bureau directorial, une petite rumeur parlant d'escalope, cette tranche de caoutchouc qu'un atterrissage ou surtout un freinage excessif entraine. On peut alors compter les couches de caoutchouc qui sont restées sur la piste. Si la rumeur était fondée, c'était une atteinte directe à ses compétences. Inacceptable !

    Jean l'Unique n'étant pas homme à accepter pareille mise en cause, il se presanta chez le directeur portant la roue dans ses bras. On m'a dit que le directeur était en conférence avec plusieurs personnes et que l'intrusion de Jean ouvrant la porte d'un coup de pied tel John Wayne entrant dans un saloon pour balancer la roue sur la table devant les personnes stupéfaites, le tout accompagné d'un provocant et rageur :
    "Alors ... Elle est où l'escalope ?!..."

    On m'a dit que Jean l'Unique avait l'habitude d'envoyer des lettres de démission dès qu'un désaccord avec la direction se présentait. Alors, le directeur aurait ouvert un tiroir, saisi sa derniére lettre de démission et y aurait répondu favorablement.

    Ce serait ainsi que hélas, Jean l'Unique redevint simple commandant de bord et instructeur. Il n'était plus le chef-pilote lorsque je pris mes fonctions de CDB sur les Fairchild.
    Tout ceci s'étant passé avant mon arrivée, je raconte ces événements comme l'homme qui connaît l'homme qui a vu l'ours.

    Je laisse à Yptj, présent au moment des faits, le soin d'apporter toutes corrections nécessaires pour approcher au plus près de la réalité des faits.


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    Message par eolien Sam 2 Jan 2016 - 10:48

    Quelle mouche piqua Jean, l'Unique, lorsqu'un beau matin, sitôt les roues levées du sol il accéléra au ras du bitume puis inclina l'avion sur la droite pour un virage à la plus forte inclinaison possible. Il passa au ras de la tour de contrôle pour débouler sur l'Erakor Lagon (voir ici la géographie : 
    https://avia.superforum.fr/t1560-detresse-sur-le-pacifique#55259)   qu'il survola toujours à basse hauteur avant de reprendre sa route cers Nouméa.

    L'affaire aurait pu en rester là et l'émotion des passagers rester dans les oubliettes de ce décollage original, mais c'était sans compter avec l'ire du contrôleur qui releva illico une infraction et adressa un rapport à sa hiérarchie.
    Informé, Jean se rendit à la tour pour rencontrer l'impétrant, un jeune contrôleur fraîchement sortit de l'ENAC et qui faisait là son service militaire au titre de la coopération.
    J'imagine la  rencontre à travers ce que m'en dit Jean.
    " Colonel Jean ..., commandant de bord, se présenta le fautif. P'tit gars, je te donne un conseil : laisse tomber ! Parce que si tu persistes, il y en a un de nous deux qui va rentrer en métropole plus vite qu'il ne le croit, et ce ne sera pas moi."

    L'affaire poursuivit son cours. Le copilote de ce vol me fit lire la lettre qu'il avait dû rédiger ... Un cumulonimbus avait imposé un virage rapide après décollage et ce n'est que grâce à cette manœuvre autant hardie que d'à-propos que la survie de l'avion et de ses passagers avait été assurée.
    A ce témoignage, Jean l'Unique joignit un dossier signé d'un général de l'Armée de l'Air dont je garderai à vie les premiers mots, tant ils collaient bien avec le personnage :
    " Chef né, meneur d'hommes exceptionnel, pilote aux qualités hors du commun, etc, etc ..."
    Deux pages d'éloges où étaient recapitulės les hauts faits de sa carrière militaire.
    Et l'affaire se transporta de l'hémisphère Sud vers des sphères plus parisiennes.

    Plusieurs semaines s'écoulèrent ...
    Puis un beau jour, comme je devais me rendre à l'aéroport de Tontouta, le directeur des Opérations me confia une lettre, un dossier reçu à l'agence de Nouméa adressé à Jean, l'Unique, à charge pour moi de la lui remettre à son arrivée du courrier qu'il effectuait dans les îles du Vanuatu.

    J'ai filmé la scène qui est quelque part, bobine en Super 8 perdue dans un fatras de bobines que je dois numériser, travail sans cesse reporté. J'ai donc organisé une petite cérémonie pour la remise de ce dossier. L'enveloppe de papier craft marron posée sur un coussin porté par une jolie hôtesse entourée d'un cortège de volontaires bien alignés pour l'occasion, mais un peu crispés car ne sachant pas qu'elle serait la réaction de l'Unique. Peut-être y-avait-il une escouade de policier locaux .. je ne me souviens plus ...

    Jean descendit l'échelle de coupée de son Fairchild, un instant surpris par cet accueil dont il comprit vite la raison en voyant les tampons sur le papier craft. Il prit la lettre, rigolant de cette mise ne scène,  mais un rire mi-figue mi-raisin, on ne sait jamais ...

    Nous n'avons jamais rien su du contenu de la lettre. Ni du devenir du contrôleur. Pour nous, pour tous, l'affaire était close.


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    Message par eolien Mar 5 Jan 2016 - 23:50

    Des mois plus tard. Il manque un copilote et Jean l’Unique me propose de voler avec lui. Son épouse sera du voyage car nous resterons deux jours à Port Vila.
    Vol ordinaire jusqu’à Port-Vila.
    Le matin du vol retour, Jean conduit à toute vitesse la voiture que nous avions loué pour le séjour car il tient à ce que nous déjeunions dans un petit troquet dont il a le secret. Dans un virage, un pneu rend l’âme : roue crevée. 
    « Je suis inapte siège éjectable, à cause de mon dos, c’est toi qui doit changer la roue ! »
    Déjà en uniforme car nous irons directement à l’aéroport après le déjeuner, chemisette blanche, pantalon bleu-marine, chaussures noires bien cirées, je transpire sous le soleil brûlant des tropiques et une fois la roue de secours en place on file à tombeau ouvert vers le restaurant. Je sèche un peu en roulant.
    Après déjeuner, sur le chemin du retour vers l’aéroport, Jean me demande :
    « Es-tu déjà passé par la plage ? »
    Sans attendre la réponse il quitte la route, passe en dérapage entre deux cocotiers et bifurque vers la plage. Nous roulons en cahotant sur des plaques rocheuses et de sable de corail, quand la voiture s’enlise. Ses coups d’accélérateurs ne font qu’aggraver la situation. Il arrête le moteur.
    Après examen je suggère de mettre des feuilles et des branches de cocotiers sous et derrière les roues arrière et de revenir sur la route puisque la zone roulable est toute proche.
    « Négatif ! J’ai dit que nous passerions par la plage et c’est vers la plage que nous allons aller ! »
    J’insiste mais rien n’y fait. C’est devant les roues arrière que je dois creuser puis placer des branches que je vais glaner ici et là.
    Lorsque tout est prêt :
    « Je suis inapte siège éjectable, à cause de mon dos ; c’est moi au volant et vous qui poussez ! »
    Aussitôt dit aussitôt fait : arcbouté derrière la voiture son épouse et moi nous poussons. La voiture avance de quelques centimètres et les roues qui tournent à toute vitesse pulvérisent des jets de sable et de poussière.
    La voiture s’enlise à nouveau. Avec la transpiration nous sommes couverts d’une pellicule de poussière.
    Jean veut recommencer la manoeuvre.
    « Faut refaire la même chose. Tu creuses, tu remets des branches de palmiers et on avance vers la plage.
    « Mais Jean, m’aventurais-je, il vaut mieux rebrousser chemin, on est à quelques mètres de ce côté alors que la plage est à deux cent mètres … »
    « Négatif ! On passera par la plage ! »
    Je creuse, je coupe des branches, Jean met en route, nous poussons, nous avançons de quelques centimètres, nous sommes mitraillés de sable de corail, et la voiture s’enlise.
    Je supplie, mais rien à faire : il faut recommencer.
    Et nous recommençons. Et recommençons jusqu’à un point où la voiture trouve un sol plus solide et s’éloigne vers le sable du bord de mer.
    « Ouf ! m’exclamais-je, j'ai les bras en compote … Nous sommes en nage, trempés de sueur. Nous ressemblons à ces tribus indiennes qui s’enduisent de cendres. Tout est gris, des cheveux aux chaussures.
    Nous rejoignons la voiture, mais Jean prétexte du risque d’enlisement et préfère longer seul la plage jusqu’à un endroit où il pourra regagner la route en toute sécurité. Nous approuvons. La voiture s’éloigne. Nous allons au bord de l’eau pour nous nettoyer, autant que faire se peut.
    « Je n’en pouvais plus, me dit son épouse, heureusement qu’il a pu s’en sortir … »
    « Moi aussi, je suis épuisé … »
    Nous cheminons au bord de l’eau, arrivons au bout de cette plage et … stupéfaction ! …
    La voiture est enlisé entre deux cocotiers. Mais comment a-t-il pu s’enliser entre deux cocotiers, un devant le pare-choc avant, un autre collé au pare-choc arrière. Il avoue avoir roulé trop vite, dérapé et s’être planté entre les deux arbres.
    « Et ben là, s’est fichu ! m’exclamais-je avec à-propos. Il n’y a plus qu’a annuler le vol … »
    Un bruit de voiture. Jean se précipite au milieu de la route, les bras en croix et arrête une camionnette à plateau où s’entasse toute une tribu métanésienne, des adultes et aussi des enfants :
    « Colonel Jean, l’Unique, commandant de  bord, je vous réquisitionne pour aider à tirer ce véhicule jusqu’à la route ! »
    Les mélanésiens, impressionné par ce grand gaillard en uniforme, dont les quatre gallons dorés brillent sous le soleil courbent l’échine et se mettent sous ses ordres.
    « Vous ! Creusez ici ! Vous, allez chercher des palmes de cocotier ! Vous, poussez ici ! Vous, tirez là ! »
    La voiture une fois désensablée et déposée sur la route, magnanime, Jean l’Unique distribue quelques piécettes aux enfants.
    La camionnette embarque son monde et reprend sa route alors que nous retournons à la plage pour nous laver et nous débarrasser d’une nouvelle couche de poussière.

    Jean roule à tombeau ouvert.
    « Jean, tu devrais rouler moins vite, on a plus de roue de secours ! Tu as déjà crevé et sur cette piste … »
    Nous traversons un village, toujours pied au plancher, chacun se cramponne …
    Pan ! Une roue explose !…
    La voiture est garée sur le bord du trottoir.
    « Là, c’est le bouquet ! m’exclamais-je. c’est foutu … »
    Jean l’Unique descend et aperçois une dame qui arrose sa voiture, une 4L.
    « Bonjour madame, colonel Jean l’Unique, commandant de bord, je vous réquisitionne, vous et votre voiture ! »
    Le ton, l’allure, l’uniforme ne laisse aucune chance à cette victime et nous nous entassons, avec nos bagages dans la petite Renault.
    Jean guide la conductrice, non sans critiquer sa conduite trop lente, trop prudente, trop timorée. Dans une côte la voiture ralentit. Toute émue les mains crispées sur le volant la conductrice oublie de rétrograder :
    « Appuie, mais appuie, idiote ! »
    La voiture qui n’en peut plus ralentit et cale. Jean l’Unique fulmine pour finalement s’étonner à la vue de la dame qui sanglote, le front posé sur ses mains, sur le haut du volant :
    « Mais pourquoi vous pleurez ?… »
    «  Snif ! Vous n ‘arrêtez pas de m’engueuler, snif ! vous m’obligez à vous conduire, snif !  je ne sais même pas si vous en avez le droit, snif ! et pour finir vous m’insultez…. »
    Jean, qui n’a pas son pareil pour récupérer les situations compromises, s’offusque, se défend d’avoir été grossier, calme la dame, lui fait passer le levier de vitesse au neutre, remettre en route le moteur et devenu tout aimable, la rassure sur les qualités de sa conduite.

    Le commandant de bord qui avait emmené l’avion est là, sur le trottoir de l’aérogare, qui nous attend, étonné de tant de retard.
    Plus tard il me dira :
    « Vous aviez l’air de sauvages, tout rouge, tout crasseux, les yeux hagards, tout juste si vous m’avez salué en vous précipitant vers l’avion. »
    Ainsi se termina un courrier ordinaire avec Jean, l’Unique !


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