ACTUALITE Aéronautique

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ACTUALITE Aéronautique : Suivi et commentaire de l\'actualité aéronautique


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    Jean, l'Unique !...


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    Jean, l'Unique !... - Page 2 Empty Re: Jean, l'Unique !...

    Message par eolien Mer 30 Déc 2015 - 21:35

    P
    Jean l'Unique me sollicitait lorsqu'un copilote était en vacances, et comme nous nous entendions bien je répondais d'autant plus à sa requête que je savais partir pour une aventure cocasse.

    Jean avait découvert un nouveau jeu : il réduisait les deux moteurs à un point par lui déterminé et le jeu consistait à rallier le parking sans plus toucher aux moteurs, descente en vol plané, atterrissage, roulage compris.

    Je disais " Jean tu vas être trop court ..."
    Il me regardait et me rabrouait d'un amical "Petit con !..."
    Et, sans coup férir, sans avoir besoin de réajuster la puissance il touchait pil-poil sur les peignes d'entrée de piste. Bien sûr il arrivait trop vite à la bretelle de sortie perpendiculaire à la piste, virage de 90 ° à droite qui faisait hurler les pneus, puis arrivé sur le parking virage de 90 °à gauche suivi d'un 180° pour terminer devant la porte de l'aérogare.
    Il serrait le frein de parc et me regardait, rigolard : " Alors, je l'ai pas fait la piste ?!..."

    Lorsque c'était mon tour, je dois pour la vérité dire que je devais souvent intervenir pour modifier ma trajectoire.

    Ce qui conduit à l'incident relaté ci–dessus par Yptj et dont on m'avait précisé quelques détails.

    Au moment du départ, ayant constaté au parking sur l'île de Norfolk que la roue avant était dégonflée il avait décidé son remplacement par la roue de secours, transportée ainsi que l'a précisé Yptj partiellement dégonflée en raison du vol pressurisé.
    Il aurait fallu un cric. L'ingénieux eut alors une idée. Il fit amener un tréteau qu'il plaça sous la queue de l'avion. Puis il fit monter des passagers qu'il entassa à l'arrière jusqu'à ce que l'avion bascule sur le cul pour se poser sur le traiteau.
    Chose faite, il dirigea le changement de roue. Le travail une fois accompli il fit descendre les passagers jusqu'à ce que l'avion bascule pour reposer sur sa roulette de nez.
    Le retard étant conséquent il précipitât le départ et roula vite, très vite, comme à son habitude. Dans un virage la roue à trop basse pression ne supporta pas la torture et creva, sonnant le glas des espoirs de départ de Norfolk.
    Yptj ayant raconté le dépannage j'en viens à l'incident chez le directeur de la compagnie.
    On m'a dit que Jean aurait eu les oreilles irritées par un bruit venant du bureau directorial, une petite rumeur parlant d'escalope, cette tranche de caoutchouc qu'un atterrissage ou surtout un freinage excessif entraine. On peut alors compter les couches de caoutchouc qui sont restées sur la piste. Si la rumeur était fondée, c'était une atteinte directe à ses compétences. Inacceptable !

    Jean l'Unique n'étant pas homme à accepter pareille mise en cause, il se presanta chez le directeur portant la roue dans ses bras. On m'a dit que le directeur était en conférence avec plusieurs personnes et que l'intrusion de Jean ouvrant la porte d'un coup de pied tel John Wayne entrant dans un saloon pour balancer la roue sur la table devant les personnes stupéfaites, le tout accompagné d'un provocant et rageur :
    "Alors ... Elle est où l'escalope ?!..."

    On m'a dit que Jean l'Unique avait l'habitude d'envoyer des lettres de démission dès qu'un désaccord avec la direction se présentait. Alors, le directeur aurait ouvert un tiroir, saisi sa derniére lettre de démission et y aurait répondu favorablement.

    Ce serait ainsi que hélas, Jean l'Unique redevint simple commandant de bord et instructeur. Il n'était plus le chef-pilote lorsque je pris mes fonctions de CDB sur les Fairchild.
    Tout ceci s'étant passé avant mon arrivée, je raconte ces événements comme l'homme qui connaît l'homme qui a vu l'ours.

    Je laisse à Yptj, présent au moment des faits, le soin d'apporter toutes corrections nécessaires pour approcher au plus près de la réalité des faits.

    eolien
    Whisky Quebec


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    Message par eolien Sam 2 Jan 2016 - 10:48

    Quelle mouche piqua Jean, l'Unique, lorsqu'un beau matin, sitôt les roues levées du sol il accéléra au ras du bitume puis inclina l'avion sur la droite pour un virage à la plus forte inclinaison possible. Il passa au ras de la tour de contrôle pour débouler sur l'Erakor Lagon (voir ici la géographie : 
    https://avia.superforum.fr/t1560-detresse-sur-le-pacifique#55259)   qu'il survola toujours à basse hauteur avant de reprendre sa route cers Nouméa.

    L'affaire aurait pu en rester là et l'émotion des passagers rester dans les oubliettes de ce décollage original, mais c'était sans compter avec l'ire du contrôleur qui releva illico une infraction et adressa un rapport à sa hiérarchie.
    Informé, Jean se rendit à la tour pour rencontrer l'impétrant, un jeune contrôleur fraîchement sortit de l'ENAC et qui faisait là son service militaire au titre de la coopération.
    J'imagine la  rencontre à travers ce que m'en dit Jean.
    " Colonel Jean ..., commandant de bord, se présenta le fautif. P'tit gars, je te donne un conseil : laisse tomber ! Parce que si tu persistes, il y en a un de nous deux qui va rentrer en métropole plus vite qu'il ne le croit, et ce ne sera pas moi."

    L'affaire poursuivit son cours. Le copilote de ce vol me fit lire la lettre qu'il avait dû rédiger ... Un cumulonimbus avait imposé un virage rapide après décollage et ce n'est que grâce à cette manœuvre autant hardie que d'à-propos que la survie de l'avion et de ses passagers avait été assurée.
    A ce témoignage, Jean l'Unique joignit un dossier signé d'un général de l'Armée de l'Air dont je garderai à vie les premiers mots, tant ils collaient bien avec le personnage :
    " Chef né, meneur d'hommes exceptionnel, pilote aux qualités hors du commun, etc, etc ..."
    Deux pages d'éloges où étaient recapitulės les hauts faits de sa carrière militaire.
    Et l'affaire se transporta de l'hémisphère Sud vers des sphères plus parisiennes.

    Plusieurs semaines s'écoulèrent ...
    Puis un beau jour, comme je devais me rendre à l'aéroport de Tontouta, le directeur des Opérations me confia une lettre, un dossier reçu à l'agence de Nouméa adressé à Jean, l'Unique, à charge pour moi de la lui remettre à son arrivée du courrier qu'il effectuait dans les îles du Vanuatu.

    J'ai filmé la scène qui est quelque part, bobine en Super 8 perdue dans un fatras de bobines que je dois numériser, travail sans cesse reporté. J'ai donc organisé une petite cérémonie pour la remise de ce dossier. L'enveloppe de papier craft marron posée sur un coussin porté par une jolie hôtesse entourée d'un cortège de volontaires bien alignés pour l'occasion, mais un peu crispés car ne sachant pas qu'elle serait la réaction de l'Unique. Peut-être y-avait-il une escouade de policier locaux .. je ne me souviens plus ...

    Jean descendit l'échelle de coupée de son Fairchild, un instant surpris par cet accueil dont il comprit vite la raison en voyant les tampons sur le papier craft. Il prit la lettre, rigolant de cette mise ne scène,  mais un rire mi-figue mi-raisin, on ne sait jamais ...

    Nous n'avons jamais rien su du contenu de la lettre. Ni du devenir du contrôleur. Pour nous, pour tous, l'affaire était close.

    eolien
    Whisky Quebec


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    Message par eolien Mar 5 Jan 2016 - 23:50

    Des mois plus tard. Il manque un copilote et Jean l’Unique me propose de voler avec lui. Son épouse sera du voyage car nous resterons deux jours à Port Vila.
    Vol ordinaire jusqu’à Port-Vila.
    Le matin du vol retour, Jean conduit à toute vitesse la voiture que nous avions loué pour le séjour car il tient à ce que nous déjeunions dans un petit troquet dont il a le secret. Dans un virage, un pneu rend l’âme : roue crevée. 
    « Je suis inapte siège éjectable, à cause de mon dos, c’est toi qui doit changer la roue ! »
    Déjà en uniforme car nous irons directement à l’aéroport après le déjeuner, chemisette blanche, pantalon bleu-marine, chaussures noires bien cirées, je transpire sous le soleil brûlant des tropiques et une fois la roue de secours en place on file à tombeau ouvert vers le restaurant. Je sèche un peu en roulant.
    Après déjeuner, sur le chemin du retour vers l’aéroport, Jean me demande :
    « Es-tu déjà passé par la plage ? »
    Sans attendre la réponse il quitte la route, passe en dérapage entre deux cocotiers et bifurque vers la plage. Nous roulons en cahotant sur des plaques rocheuses et de sable de corail, quand la voiture s’enlise. Ses coups d’accélérateurs ne font qu’aggraver la situation. Il arrête le moteur.
    Après examen je suggère de mettre des feuilles et des branches de cocotiers sous et derrière les roues arrière et de revenir sur la route puisque la zone roulable est toute proche.
    « Négatif ! J’ai dit que nous passerions par la plage et c’est vers la plage que nous allons aller ! »
    J’insiste mais rien n’y fait. C’est devant les roues arrière que je dois creuser puis placer des branches que je vais glaner ici et là.
    Lorsque tout est prêt :
    « Je suis inapte siège éjectable, à cause de mon dos ; c’est moi au volant et vous qui poussez ! »
    Aussitôt dit aussitôt fait : arcbouté derrière la voiture son épouse et moi nous poussons. La voiture avance de quelques centimètres et les roues qui tournent à toute vitesse pulvérisent des jets de sable et de poussière.
    La voiture s’enlise à nouveau. Avec la transpiration nous sommes couverts d’une pellicule de poussière.
    Jean veut recommencer la manoeuvre.
    « Faut refaire la même chose. Tu creuses, tu remets des branches de palmiers et on avance vers la plage.
    « Mais Jean, m’aventurais-je, il vaut mieux rebrousser chemin, on est à quelques mètres de ce côté alors que la plage est à deux cent mètres … »
    « Négatif ! On passera par la plage ! »
    Je creuse, je coupe des branches, Jean met en route, nous poussons, nous avançons de quelques centimètres, nous sommes mitraillés de sable de corail, et la voiture s’enlise.
    Je supplie, mais rien à faire : il faut recommencer.
    Et nous recommençons. Et recommençons jusqu’à un point où la voiture trouve un sol plus solide et s’éloigne vers le sable du bord de mer.
    « Ouf ! m’exclamais-je, j'ai les bras en compote … Nous sommes en nage, trempés de sueur. Nous ressemblons à ces tribus indiennes qui s’enduisent de cendres. Tout est gris, des cheveux aux chaussures.
    Nous rejoignons la voiture, mais Jean prétexte du risque d’enlisement et préfère longer seul la plage jusqu’à un endroit où il pourra regagner la route en toute sécurité. Nous approuvons. La voiture s’éloigne. Nous allons au bord de l’eau pour nous nettoyer, autant que faire se peut.
    « Je n’en pouvais plus, me dit son épouse, heureusement qu’il a pu s’en sortir … »
    « Moi aussi, je suis épuisé … »
    Nous cheminons au bord de l’eau, arrivons au bout de cette plage et … stupéfaction ! …
    La voiture est enlisé entre deux cocotiers. Mais comment a-t-il pu s’enliser entre deux cocotiers, un devant le pare-choc avant, un autre collé au pare-choc arrière. Il avoue avoir roulé trop vite, dérapé et s’être planté entre les deux arbres.
    « Et ben là, s’est fichu ! m’exclamais-je avec à-propos. Il n’y a plus qu’a annuler le vol … »
    Un bruit de voiture. Jean se précipite au milieu de la route, les bras en croix et arrête une camionnette à plateau où s’entasse toute une tribu métanésienne, des adultes et aussi des enfants :
    « Colonel Jean, l’Unique, commandant de  bord, je vous réquisitionne pour aider à tirer ce véhicule jusqu’à la route ! »
    Les mélanésiens, impressionné par ce grand gaillard en uniforme, dont les quatre gallons dorés brillent sous le soleil courbent l’échine et se mettent sous ses ordres.
    « Vous ! Creusez ici ! Vous, allez chercher des palmes de cocotier ! Vous, poussez ici ! Vous, tirez là ! »
    La voiture une fois désensablée et déposée sur la route, magnanime, Jean l’Unique distribue quelques piécettes aux enfants.
    La camionnette embarque son monde et reprend sa route alors que nous retournons à la plage pour nous laver et nous débarrasser d’une nouvelle couche de poussière.

    Jean roule à tombeau ouvert.
    « Jean, tu devrais rouler moins vite, on a plus de roue de secours ! Tu as déjà crevé et sur cette piste … »
    Nous traversons un village, toujours pied au plancher, chacun se cramponne …
    Pan ! Une roue explose !…
    La voiture est garée sur le bord du trottoir.
    « Là, c’est le bouquet ! m’exclamais-je. c’est foutu … »
    Jean l’Unique descend et aperçois une dame qui arrose sa voiture, une 4L.
    « Bonjour madame, colonel Jean l’Unique, commandant de bord, je vous réquisitionne, vous et votre voiture ! »
    Le ton, l’allure, l’uniforme ne laisse aucune chance à cette victime et nous nous entassons, avec nos bagages dans la petite Renault.
    Jean guide la conductrice, non sans critiquer sa conduite trop lente, trop prudente, trop timorée. Dans une côte la voiture ralentit. Toute émue les mains crispées sur le volant la conductrice oublie de rétrograder :
    « Appuie, mais appuie, idiote ! »
    La voiture qui n’en peut plus ralentit et cale. Jean l’Unique fulmine pour finalement s’étonner à la vue de la dame qui sanglote, le front posé sur ses mains, sur le haut du volant :
    « Mais pourquoi vous pleurez ?… »
    «  Snif ! Vous n ‘arrêtez pas de m’engueuler, snif ! vous m’obligez à vous conduire, snif !  je ne sais même pas si vous en avez le droit, snif ! et pour finir vous m’insultez…. »
    Jean, qui n’a pas son pareil pour récupérer les situations compromises, s’offusque, se défend d’avoir été grossier, calme la dame, lui fait passer le levier de vitesse au neutre, remettre en route le moteur et devenu tout aimable, la rassure sur les qualités de sa conduite.

    Le commandant de bord qui avait emmené l’avion est là, sur le trottoir de l’aérogare, qui nous attend, étonné de tant de retard.
    Plus tard il me dira :
    « Vous aviez l’air de sauvages, tout rouge, tout crasseux, les yeux hagards, tout juste si vous m’avez salué en vous précipitant vers l’avion. »
    Ainsi se termina un courrier ordinaire avec Jean, l’Unique !
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    Message par eolien Jeu 14 Jan 2016 - 13:24

    Jean l’Unique m’appelle :
    « Il faut faire un vol pour valider des paramètres techniques avec deux mécanos, tu viens avec moi ?… »
    Nous retrouvons deux mécanos à Tontouta : ils ont une série de feuilles où inscrire des paramètres en fonction de vitesses : 100 kt, 150 kt, etc, à différents régimes moteurs.
    Un des mécanos est assis entre nous sur le siège observateur, l’autre reste debout derrière son collègue assis.
    "Tu t'accroches où tu peux !" lui a intimé Jean.

    Jean décolle, grimpe vers 3000 pieds et c’est parti !…
    Le Fairchild bascule sur l’aile, nez vers le ciel, pivote quasiment sur le dos puis pique pour une vue imprenable sur le lagon dont on aurait pu admirer toutes les teintes bleues, vertes, turquoizes si mes orteils ne s’étaient pas recroquevillés dans mes souliers ni mes yeux s’écarquillés de peur.
    La ressource nous écrase alors que le nez pointe vers le ciel.
    Basculement de l’autre côté, passage dos et re-piqué vers la mer pour un déferlement des mêmes angoisses.
    Quelques virages sur la tranche, un piqué plein tube au ras des flots suivi d’une ressource qui nous place par le travers du seuil de piste. Jean ordonne la sortie du Train, des Volets et pose l’avion à l’issue d’un dernier virage façon Top Gun.
    Une fois au parking, frein serré, il se retourne vers les mécanos, un sourire goguenard aux lèvres : « Alors ? »
    Il sait qu’il n’ont rien écris, il sait qu’ils sont restés la bouche sèche et les mains moites cramponnées où ils le pouvaient.
    Il feint de s’estomaquer :
    «  Quoi ! vous n’avez rien relevé ! Pourtant on est passé à 100 noeuds, et aussi à 200 ! Et les régimes, je les ai bien affichés !"
    Il me regarde, hilare, content du mauvais tour joué.
    On redécolle et là il fait pil-poil ce qu’il faut pour permettre aux deux mécanos les relevés pour lesquels ils ont été missionnés.

    L’affaire fit grand bruit, tout le monde ayant vu les évolutions, entendu les hurlements des turbines …
    On m’a dit que Jean, l'Unique, avait effectué des vols avec un pilote d’essai de Fokker (ou Fairchild) qui lui avait montré les "vraies" limites de l'avion, à l'intérieur et surtout à l'extérieur du domaine de vol.
    Ce n’était pas des choses à faire et surtout pas à montrer à Jean, l’Unique …


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    Message par eolien Mer 20 Jan 2016 - 10:59

    En soirée, je rentrais de vol et Jean l'Unique m'attendait pour m'inviter à diner chez lui. Son tee-shirt fut vite le reflet du menu et de la carte des vins, et vers deux heures du matin je le suppliais de me raccompagner car je repartais très tôt au petit main.
    Alors que la Coccinelle fonçait à tombeau ouvert le long de la baie des Citrons, une escouade de gendarmes nous intima l'ordre de s'arrêter.
    "Bonsoir monsieur ! fit le gendarme penché à la fenêtre de la portière, une main au képi, contrôle de routine. Vos papiers s'il vous plaît, permis de conduire, carte grise et assurance !"
    - Si je veux, grogna l'Unique.
    " Allons monsieur, pas d'histoire s'il vous plait, vos papiers !..."
    Le gendarme fut-il intrigué par le désastre affiché sur le tee-shirt de Jean l'Unique, ou bien son nez fut-il interpellé par quelque fumet symptomatique ... toujours est-il qu'il donna l'ordre à Jean de se garer le long du trottoir qui borde la plage, lequel fit semblant d'obtempérer par une vague et très courte marche-arrière.
    " Garez-vous mieux que ça ! ordonna le gendarme.
    " C'est ça ! s'emporta le furieux, à la mer la bagnole !..." et joignant le geste à la parole l'imbibé lança sa pauvre Coccinelle dans une furieuse reculade qui la propulsa de guingois sur le trottoir où, fort heureusement, elle cala.
    " Bon monsieur, insista le jeune gendarme, vos papiers !"
    - Mes papiers je les montre à qui je veux ...  "
    " Vous allez faire un contrôle d'alcoolémie ..."
    Là, je m'inquiétais sérieusement de la tournure des choses. On était bon pour le poste et moi, j'étais supposé décoller aux commandes du F27 dans quelques courtes heures.
    Le gendarme présenta le test à Jean qui s'esclaffa :
    " Je suis commandant de bord, colonel de l'Armée de l'Air et si je souffle là-dedans je te l'explose !..."
    - Si vous êtes colonel alors vous devez avoir le respect des gallons."
    - Des gallons ! des gallons ! s'emporta Jean qui essaya de farfouiller dans la poche de ma chemisette d'uniforme où j'avais mis mes propres gallons. On va t'en monter des gallons !
    Je m'agrippais à ma pochette pour l'empêcher, je ne sais pas pourquoi, de sortir mes gallons.
    "Bon, fit le jeune gendarme, je vais chercher mon chef ..."
    - C'est ça ! D'abord je ne parle qu'au chef !...
    Jean ouvrit la portière et je le suivis. L'air était frais, quelques palmiers mélangeaient leur bruissement au ressac de la mer toute proche.
    Une escouade s'approcha, menée par le jeune gendarme qui expliqua la situation au chef.
    Celui-ci s'approcha de Jean l'Unique, l'observa dans la semi-obscurité et s'exclama :
    "Mais je vous connais ! C'est vous que j'ai arrêté la semaine dernière ! Vous aviez brûlé un feu rouge !..."
    Là, pensais-je, c'est le bouquet, on est bon pour la taule. Comment prévenir pour annuler le vol ...
    Il se passa alors une chose étonnante.
    Jean l'Unique éclata d'un rire tonitruant, se courba en se tapant de joie sur les cuisses pour s'esclaffer :
    "Mais oui ! C'est moi !..." et de rire... et de rire comme d'un bon tour joué.
    - Voyons mon Colonel, supplia le chef, voyons, ne me dites pas que vous n'avez pas vos papiers.
    " Mais oui, je les ai ces fichus papiers". Se penchant il ouvrit le vide poche et en sortit tous les papiers. il n'en manquait pas un seul.

    C'est, ainsi, après une discussion amicale entre militaires, d'active et de réserve, que se termina ce contrôle de routine.
    Le comble, c'est l'escouade, toute souriante, conquise par Jean l'Unique et nous souriant avec des saluts amicaux et respectueux alors que Jean vraiment Unique démarrait en trombe pour me reconduire chez moi.


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    Message par eolien Lun 25 Jan 2016 - 15:35

    L'autre jour j'ai relaté un incident en parlant d'une gourmette. Comme cet incident était sur un vol avec Jean l'Unique, autant le rappeler ici.

    Le chef-pilote de la compagnie et moi-même rentrions des Nouvelles-Hébrides vers Nouméa en passager sur un Fairchild, de nuit.

    Jean l'Unique, commandant de bord, m'avait invité au cockpit.

    En croisière nous devisions sur diverses choses qui entrainèrent la conversation sur les débits de carburant aux injecteurs.
    Sur cet avion il y avait un réglage affiné possible via un switch qui faisait se déplacer une aiguille sur un petit cadran. Ce système s'appelait un Trim Carburant.

    Voilà Jean qui nous explique qu'on pouvait faire varier également de façon très infime ce débit en fermant le robinet carburant.

    Pour nous, ce robinet était à deux positions : OPEN ou CLOSED.
    On le mettait sur OPEN à la mise en route et sur CLOSED pour arrêter le moteur.

    J'étais assis sur le siège observateur et observais la main de Jean qui, tout doucement, micron par micron, abaissait doucement cette manette. Effectivement l'aiguille du Trim carburant bougea.
    Epatant !

    Jean refit sa démonstration en voulant aller au plus loin, histoire de voir, et c'est là que je commis la boulette. C'était il y a 35 ans, donc je peux l'avouer, il y a prescription ... Embarassed

    "Arrête ! lui dis-je, tu vas arrêter le moteur .." et joignant le geste à la parole, je lui tapotais la main.
    Ai-je tapé trop fort ?...  A-t-il sursauté ?...
    Toujours est-il qu'il dépassa cette limite qu'il frôlait, le moteur décida de s'arrêter, l'hélice se mit en drapeau et nous nous retrouvâmes de nuit, en monomoteur sur le Pacifique.

    La porte du cockpit s'ouvrit derrière moi et le chef-pilote attiré par le changement de bruit en cabine pointa une tête inquiète :
    "Que se passe-t-il ?..."
    " Ta gueule ! Silence dans le poste !... hurla le guerrier " Toi, intima-t-il au chef-pilote tu n'as rien à faire ici et tu retournes t'asseoir !"
    Et sans plus s'occuper de cette intrusion, Jean l'Unique traita la panne comme dans le livre.
    Une fois le moteur redémarré et à son régime de croisière, la situation normalisée, il me demanda :
    "Qu'est-ce qu'on va pouvoir lui dire à ce zouave ?..."
    Il n'était pas du tout inquiet, mais simplement cherchait une explication.
    Et c'est là, à cet instant que la tête penchée en réflexion profonde, les coudes sur les genoux, mon oeil vit la gourmette qui pendait à mon poignet.
    " Je dirai que c'est en me penchant pour attraper le logbook que ma gourmette a attrapé le switch ..."
    Je mimais la chose qui de fait paraissait tout à fait plausible. Je refis le geste plusieurs fois.
    " OK !" approuva Jean, l'oeil rigolard.
    Il reprit ses explications là où il les avait laissé quand on frappa à la porte. Le chef-pilote passa la tête, s'excusa et demanda poliment s'il pouvait savoir ce qu'il s'était passé.
    "C'est moi, en voulant attraper le logbook, ma gourmette a attrapé le switch et ça a coupé le moteur..."
    "Tour est normal !..." brailla l'Unique sur un ton qui voulait dire ... va voir ailleurs !

    Le lendemain une note de service interdisait les gourmettes en vol ... 
    Bien entendu personne ne suivit cette consigne. Rolling Eyes


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    Message par Beochien Lun 25 Jan 2016 - 16:07

    Ca ressemble un peu aux appauvrissement du mélange, fait sur les moteurs à piston ... une manip recherchant la limite de la perte de tours, pour économiser l'essence !
    Une bidouille quasi permanente de l'OMN pendant tout le vol, maintenant remplacé par les fadec's sur le moteurs ....
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    Message par eolien Lun 25 Jan 2016 - 22:41

    Exact ! On affichait un régime puis on titillait le Trim pour affiner. Il y a le même principe sur tous les avions avec la Mixture pour recherche selon l'altitude le meilleur rapport air/essence qui est de 15 / 1


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    Message par Vector Mar 26 Jan 2016 - 0:25

    Oui, mais 15 : 1 en poids, donc fonction de la densité.
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    Message par eolien Mar 26 Jan 2016 - 9:33

    C'est ça ... on monte, la densité de l'air diminue, on tire la mixture et appauvrir en essence pour rétablir ce ratio ...


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    Message par eolien Dim 31 Jan 2016 - 10:15

    Dans le récit romancé "Détresse sur le pacifique" j'ai glissé cet accident :

    Dans cet accident, assis à l’avant, Régis avait été le seul blessé sérieux. Pierre, le commandant avec qui il volait ce jour-là n’avait eu que des minuscules brisures de verre dans les yeux parce qu’il les avait gardé grands ouverts pour scruter la nuit alors que la voiture tournoyait en plusieurs têtes à queue pour finalement s’arrêter sur le bas côté.
    Dans le faisceau lumineux du seul phare encore intact, il avait vu passer des broussailles, la route, des broussailles, la route, et ainsi de suite jusqu’à ce que la voiture s’immobilise après avoir tournoyé et être restée par miracle sur le macadam.
    Il avait demandé :
    - Quelqu’un est blessé ?.... »
    La conductrice polynésienne et l’hôtesse n’avait rien mais Régis avait dit d’une petite voix calme : «Moi, je suis blessé.»
    Pierre avait contourné la voiture, arraché la portière pour aidé Régis à s’extirper du siège passager car tout l’avant droit était défoncé. Des voitures s’étaient arrêtées et éclairaient vaguement la scène de leurs phares, ce dont Pierre profita en plaçant Régis de telle sorte qu’il put l’observer.
    Le visage et la chemise blanche d’uniforme étaient rouges de sang.
    - Est-ce que quelqu’un aurait une lampe et de quoi l’essuyer ?...
    L’hôtesse s’était précipitée et était revenue avec des compresses, un automobiliste avait éclairé avec une lampe de poche le visage de Régis qui était couvert de sang et n’était que bouillie au niveau de l’œil droit.
    « Mon Dieu, avait pensé Pierre, il a l’œil crevé ! ».


    Le lendemain, Jean l'Unique rendit visite au copilote dont une large partie de la tête était recouverte de bandage. J'étais déjà présent et bavardais avec ce copilote qui s'était marié une semaine auparavant.
    Jean pénétra dans la chambre d'hôpital et restât en arrêt devant la bouille du malheureux :
    "Et ben ! Tu as bien fait de te marier il y a huit jours ... parce que déjà que t'étais pas beau ..."

    Et nous trois de rire à gorge déployée de cette bonne blague !...


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    Message par eolien Lun 1 Fév 2016 - 22:43

    J'ai quitté Nouméa, muté au Bourget sur les Super Guppy.
    Quelques courtes années plus tard, un jour, à Toulouse Blagnac, j'ai croisé Jean. C'était l'hiver, une journée grise, triste. Je l'avais trouvé loin du guerrier plein de panache de mes souvenirs. Nous avons peu bavardé, car j'étais pressé.

    Puis quelques mois plus tard, la nouvelle de sa disparition qui nous a tous surpris et attristé : il n'avait que 54 ans.

    Pour ses funérailles nous nous sommes retrouvés, les anciens de l'aventure Calédonienne.
    Je me souviens de l'émotion ressentie au funérarium lorsque partit son cercueil pour nous rendre une petite boite de bois. Jean l'Unique, un si grand personnage dans une si petite urne.

    Le midi, nous sommes allés déjeuner dans un restaurant du Bourget.
    Finalement, d'un commun accord nous nous sommes dit que s'il nous voyait il préfèrerait nous voir rire que d'avoir des têtes d'enterrement.

    Alors, tout au long du repas, chacun y est allé de son anecdote sur ses frasques, sur ses excès, sur ses qualités, sur ses travers, tous immenses. Nous avons ris à en pleurer.

    Jean, pilote unique, homme unique.

    Fin


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    Message par eolien Dim 14 Fév 2016 - 11:09

    Myamoto Musashi qui fait allusion à Jean l'Unique m'incite à revenir sur une anecdote que j'ai hésité à publier et que finalement je place ici :

    Au décollage d'Espiritu Santo, l'avion passe à proximité d'un superbe endroit, l'îlot Bokissa.
    Une petite île verdoyante, couronnée de sable blanc, bordée de perles de corail enserrant un lagon présentant toutes les palettes de bleus et de verts turquoise. Ici et là des petits bungalows, des piscines bleues tranchent dans la verdure : un paradis !

    Ce jour là, de nombreux passagers étaient des vacanciers qui avaient fait leur séjour sur l'îlot Bokissa et qui me demandèrent si nous passerions suffisamment près pour qu'ils puissent faire des photos.
    " Les photographes assis côté gauche dans l'avion !"

    Après décollage je virai à basse altitude sur la mer pour longer l'îlot Bokissa à basse hauteur puis repris la montée.

    Quelques jours plus tard je reçus une "invitation" de la DGAC pour infraction aux règles de l'air. Le chef-pilote de la compagnie avec qui j'entretenais des relations polaires avait appris mon circuit touristique et m'avait dénoncé.
    J'étais donc engagé dans une procédure délicate lorsque Jeanl 'Unique me proposa de faire un courrier avec lui sur les Nouvelles Hébrides.

    Au décollage d'Espritu Santo il me dit :
    " Ton passage ... Tu l'as fait à quelle hauteur ?..."
    - Boff ... J'ai dit 500 mais c'était plutôt vers 100 ou 200 pieds ...
    Aussitôt Jean bascula le Fairchild sur l'aile et fonça sur l'îlot Bokissa en rugissant :
    " 200 pieds ! Et t'appelles ça du rase-mottes !... Je vais t'en f...... moi, un radada !"

    J'ai oublié de dire que l'avion étant complet il y avait assis entre nous dans le cockpit un responsable politique local.

    Voilà donc la F27 qui déboule sur l'îlot et que Jean l'Unique plaque au sol. Un vrai, un authentique rase-mottes ! Je revois Jean qui poussait par petits coups sur le volant, car bien que ailes hautes l'effet de sol soulevait l'avion.
    J'étais tétanisé, le souffle bloqué, les orteils recroquevillés dans mes chaussures alors que mes yeux fixaient les détails de chaque grains de sable de corail de la plage qui défilaient sous le nez de l'avion.
    Je n'ai pas eu un regard ni à droite sur le lagon, ni à gauche sur la frange de cocotiers.

    Arrivés au bout de cette heureusement courte plage, Jean tira sur le volant et le Fairchild grimpa brusquement, dans une ressource qui cola sur leurs sièges toutes les fesses assises dans l'avion.
    Jean se tourna vers moi, hilare :
    " Ça c'est du radada !"
    " Tu es gonflé ... Je me suis fait prendre, la DGAC instruit mon dossier parce que je suis passé à deux cent pieds et toi tu fais du rase-mottes !..."
    Et Jean riait ...


    Myamoto Musashi, vous comprendrez en lisant la suite de "Détresse sur le Pacifique" pourquoi je n'avais pas parlé de cet incident ici ...


    Dernière édition par eolien le Dim 14 Fév 2016 - 11:19, édité 3 fois


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    Message par c.foussa Dim 14 Fév 2016 - 11:16

    Salut Eolien !

    Faut croire que Jean l'Unique a fait des émules après son passage sur C 135.. cheers


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    Message par eolien Dim 14 Fév 2016 - 12:33

    Vu qu'il était patron sur KC 135 en Polynésie tu es certain que ce radada ...c'était après ?!...


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    Message par Myamoto Musashi Dim 14 Fév 2016 - 16:03

    Bonjour Eolien,
    Merci de ce nouveau cadeau.
    D'accord, j'attends la suite de Détresse sur le Pacifique.
    Mais vous pourriez peut-être nous dire quelles suites ont finalement été données par la DGAC à votre infraction ?
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    Message par Myamoto Musashi Dim 14 Fév 2016 - 16:12

    c.foussa a écrit:Salut Eolien !

    Faut croire que Jean l'Unique a fait des émules après son passage sur C 135.. cheers



    Ahurissant !
    Il passe à quelle hauteur (à peu près) ?
    Et que faut-il faire pour exécuter une telle manœuvre (vitesse, régime moteurs, volets, etc...) ?

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