Bonsoir Alexia,
Tout commence par le CAC, le Code de l’Aviation Civile qui fixe le cadre dans lequel peuvent être exploités les personnels navigants techniques, les PNT. (PNC, Navigant commerciaux, hôtesses et stewards)
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Relatifs-aux-personnels-navigants,36014.html
Vous pouvez plonger dans le fabuleux monde des lois et des règles mais, comme je ne souhaite pas vous retrouver pendue à la plus haute poutre d’un hangar d’aviation, je vais vous en donner les grandes lignes.
Au fil du temps, les pilotes d’Air France, par le travail de leurs représentant dans le « dialogue social », devenu ces derniers temps un dialogue de sourds, des conditions particulières ont été négociées : il en est de même dans toutes les compagnies.
Je ne prendrai ici pour l’exemple que le statut des pilotes d’Air France, sur Long Courrier.
Le mot « Courrier » est l’héritage des temps héroïques de l’Aviation lorsque le seul fret transporté était le courrier, histoire fabuleuse des lignes Latécoère puis Aéropostale défrichées par les pionniers Mermoz, Saint Exupéry, Guillaumet, etc, etc …
Le terme « Courrier » a traversé les décennies et perdure encore …
Pour vous donner une idée de la complexité des règles, j’ai relevé ci-après les termes en vigueur sur Moyen-Courrier, antichambre du Long Courrier.
• Limitations de Temps de Travail par périodes
• Limitations en Heures de Vol par périodes
• Nombre de jour d'activités
• Nombre d'activités par jour
• Nombre d'activités nocturnes et matinales
• Service de vol de 5 étapes
• Temps de demi-tour
• Changement d'avion
• Temps de service de vol
• Nombre d'étapes : 4 ou 5
• Mise en place
• Repos en escale
• Repos standard
• Repos minoré
• Repos conditionnel
• Repos post courrier
• Repos liés aux acticités sol : (simu, stages)
On retrouve la plupart de ces termes sur Long Courroer.
Sur Long Courrier:
La racine du temps de travail est le temps de vol : règlementairement cela commence au parking, lorsque le frein de park est relâché, et cela se termine au retour au parking, lorsque le frein de park est appliqué.
A cette période se rajoute d’autres paramètres pour tenir compte de la réalité du métier. Un pilote a besoin de temps pour préparer le vol et une fois arrivé à destination, doit s'occuper de son avion, débarquer, passer à travers les filtres de douane, d'immigration, prendre une navette pour enfin arriver à l'hôtel.
Ainsi, il y a le TSV, Temps de service de vol, et le TDT, le Temps de Travail.
Pour simplifier, le TSV débute 1H 30 avant l’heure programmée de départ, et se termine 15 mn après l’heure réelle d’arrivée.
Ce sont des minimums règlementaires, j’ai toujours été plus de deux heures en avance aux Opérations, n’aimant pas préparer un vol sous la pression du temps.
Puis il y a le transport de l'équipage à l'avion pour y être environ 1 heure avant l'heure de départ.
Il y a les temps de repos : repos nocturne à la base, repos nocturne en escale. dont le calcul est lié au sens Est-Ouest du Courrier. (par ex Asie ou Amérique) (en général 9h00 de repos)
Il y a les vols de nuit, le nombre de fuseaux traversés …
Il y a les jours d’engagement, les activité diverses, Réserves, Simulateur, Stages, Visites médicales
Il y a les vols en PEQ 2, équipage 1 CDB + 1 OPL et les équipages renforcés : PEQ3, PEQ4 ( 2 ou 3 copilotes selon la durée du vol.)
(exemples:
- Washington : 1 copilote
- Tokyo : 2 copilotes
- Buenos Aires, Santiago du Chili : 3 copilotes)
Cela dépend des compagnies.
Grosso-modo :
• jusqu'à 10 heures de vol : 1 CDB + 1 Copilote
• Entre 10 et 12 hrs de vol : 1 CDB + 2 Copilotes
• Au-delà de 12 hrs de vol : 1 CDB + 3 Copilotes
( sur les très longs courriers certaines compagnies préfèrent 2 CDB + 2 Copilotes (changement à mi-parcours : perso, je n'aurais pas aimé ...)
Il y a les jours de congé.
Au final, en pleine activité, objectif de l’entreprise, un pilote Long Courrier peut être planifié 15 à 18 jours par mois.
Certains courriers sont de 3 jours, les plus longs 5, 6 jours.
Le concept des équipages renforcés pose un problème de maintien des compétences.
Par exemple, sur un aller -retour Buenos Aires, il y a 1 CDB et 3 OPL : 1 commandant de bord et 3 Officiers Pilotes de Ligne (copilotes)
Le CDB décide de faire l'aller, il fait 1 décollage et 1 atterrissage. Il reste 1 décollage et 1 atterrissage pour 3 copilotes. Fatalement, au moins 1 ne décollera ni n'atterrira. Son rôle se limitera à copilote de croisière, renfort de ses collègues pendant que ceux ci prennent leur repos en croisière.
Pour régler ce problème et faire en sorte que les copilotes puissent faire les minimums de décollages et atterrissages, il y a deux possibiltés :
• Les vols en PEQ 2, où le copilote est certain de piloter sur une étape (aller ou retour)
- les vols Côte EST USA, Canada ( Montréal, Toronto, New York, Washington, Philadelphie, Atlanta, etc)
- des vols qui pourraient être Moyen-Courriers : Beyrouth, le Caire, les Emirats, l'Afrique (Dakar, Douala, Libreville, etcc)
• Simulateur : si un pilote n'a pas le nombre minimal de décollages et d'atterrissages il peut le compléter au SIMU.
Il y a le revers de la médaille : les décalages horaires, les nuits en vol, les repas pris à n'importe quelle heure, les maladies tropicales, les troubles du sommeil, les accidents en activité en escale, les absences, la vie familiale hachée ... (on dit : "mon chien me mord et mes enfants m'appellent "Monsieur" ...)
Le risque d'inaptitude :
- Deux contrôles professionnels semestriels
- Deux contrôles médicaux
- Tous les vols sont surveillés, les enregistreurs de paramètres systématiquement analysés, les fauteurs sanctionnés.
Des carrières brisées ... des reconversions impossibles : avec des milliers d'heures de vol, mis-à-part piloter, un pilote est un "bon-à-rien" ...
Mais quel merveilleux métier ...
J’espère avoir répondu à votre attente sur un thème très complexe car fourmillant de règles, de coefficients, fruits de décennies d’accords conclus.
Je vous souhaite un excellent mémoire ou rapport de stage !...
Eolien