Sea Launch en redressement judiciaire....(chapter 11)
http://www.aeroplans.fr/Europespace/sea-launch-chap-11.html
La nouvelle était prévisible, mais son annonce a tout de même beaucoup surpris.
La société Sea Launch, de droit américain, s'est placée sous la protection du chapitre 11 des lois sur les faillites. En d'autres termes : le fournisseur de services de lancement est en redressement judiciaire.
L'aventure Sea Launch est née au milieu des années 1990. L'initiative en revient à Boeing, qui a vu dans ce projet un bon moyen d'exploiter le savoir faire soviétique en matière de lanceurs. Le géant de Seattle ne disposait alors d'aucun vecteur de lancement commercial, ceci alors même que l'Europe, en situation de quasi-monopole, dominait le marché et que Lockheed Martin se lançait dans l'exploitation du lanceur Proton.
Dès le départ, le programme avait été perçu comme très audacieux sur le plan technologique, mais très risqué sur le plan commercial. Le système, qui consiste à lancer depuis une ancienne plate-forme pétrolière située juste sur l'équateur, a pour principal avantage d'exploiter un lanceur extrêmement performant.
La Zenit-3, développée à l'origine pour servir de fusée d'appoint au lanceur super-lourd Energuia, est en effet dotée d'une motorisation particulièrement puissante, et l'utiliser à la latitude zéro permet d'en faire un lanceur de la même catégorie qu'Ariane 5G.
La fiabilité péche un peu, car le système a connu deux échecs et un demi-succès sur un total
d'une trentaine de missions. Mais le vrai problème est intrinsèque au système Sea Launch : il s'agit de la lourdeur des opérations et des fortes contraintes calendaires qu'elle implique. Sea Launch n'a ainsi jamais réussi à mener à bien plus de cinq ou six lancements par an.
Le prix d'un lancement s'en trouve forcément très élevé, et il devient alors difficile de se positionner face à la politique de lancements doubles d'Arianespace.
Et puis il y a eu l'échec de janvier 2007. Le lanceur et son satellite NSS-8 avaient alors été perdus lors d'une spectaculaire explosion qui avait gravement endommagé la plate-forme. Suite à cela, les vols ont été interrompus pendant un an, et la confiance des clients s'en est trouvée diminuée.
Une autre faille du système Sea Launch est son manque d'évolutivité. La plate-forme, et le bateau qui va avec, ont été conçus pour ce type de lanceur, et aucun autre. Il est donc quasiment impossible de changer quoi que ce soit, ce qui est un gros désavantage face à
des concurrents tels qu'Ariane ou Proton qui s'améliorent régulièrement.
Une société parallèle, appelée Land Launch, a vu le jour l'année dernière.
Elle exploite les mêmes lanceurs Zenit-3, mais depuis la base de Baïkonour, au Kazakhstan. Elle a déjà effectué trois vols, dont un quasi-échec.
Mais Sea Launch et Land Launch n'ont de commun que la direction, l'actionnariat étant totalement différent. Les activités « terrestres » ne devraient donc pas être touchées par les turbulences que traverse la composante « maritime ».
Personne ne peut deviner comment se terminera cet épisode du chapitre 11, mais on ne peut s'empêcher de penser que cela devait arriver tôt ou tard, et que Sea Launch n'est de toute façon pas vouée à tenir éternellement.
D'ailleurs, certains avaient déjà prédit la fin de l'aventure en 2002, quand le lanceur Delta IV de Boeing avait fait son apparition. Les analystes pensaient alors que, maintenant que l'Américain avait son lanceur bien à lui, Sea Launch n'avait plus de raison d'exister.
Mais le Delta IV s'est avéré inadéquat pour le marché commercial, et il a vite été réservé aux missions institutionnelles. La plate-forme lanceuse de fusées n'avait donc pas perdu sa raison d'être.
Cette fois, son destin semble tout de même plus sombre, étant donné les performances techniques et financières qu'atteignent les concurrents Arianespace et ILS. Reste que si ces derniers n'augmentent pas leur cadence de lancement, la possible disparition de Sea Launch va provoquer un fort déficit capacitaire
mondial, et personne ne sait qui sautera sur l'occasion pour le combler.
On rappelle que la Chine, d'ici quelques années, disposera d'un lanceur lourd de la classe d'Ariane 5, et qu'elle cherche un moyen de l'introduire durablement sur le marché commercial...