Visite du Rafale en Indonésie
Le sujet a été à peine évoqué dans la presse française, mais a eu un écho certain dans la presse indonésienne: deux avions Rafale se sont rendu en Indonésie, marquant à la fois l’intérêt de ce pays pour l’avion français, mais également la volonté de Dassault de convaincre sur ce marché jusqu’à présent inédit pour l’avionneur français.
Les deux appareils participaient au LIMA Airshow en Malaisie, autre prospect à l’exportation du Rafale. Sur invitation du ministre de la défense indonésien, les deux appareils ont fait escale sur al base aérienne Halim Perdanakusuma AFB, dans la banlieue de Jakarta, afin d’être officiellement présentés au public indonésien. L’occasion aura également permis à plusieurs pilotes indonésiens de voler en place arrière du Rafale B, tandis qu’un solo display acrobatique était réalisé par le Capitaine Benoit Planche (Connu également sous l'acronyme "Tao"). Notons que les Rafale étaient accompagnés d’un exemplaire de l’A400M ainsi que d’un KC-135 de ravitaillement et de soutien logistique.
Ce déplacement est la suite logique de la visite en France du ministre de la défense Ryamizard Ryacudu, plus tôt ce mois-ci. Durant son séjour en France, il avait visité la ligne d’assemblage finale du Rafale à Bordeaux et évoqué divers contrats d’armement potentiels avec Jean-Yves Le Drian.
Lors de la cérémonie qui eu lieu à Jakarta, l’ambassadrice française n’a pas manqué d’évoquer la volonté de la France d’établir des collaborations aussi étroites que possible sur le plan industriel, assurant le soutien de l’état à d’éventuels transferts de technologies et collaborations entre Dassault Aviation et l’avionneur indonésien PT Dirgantara Indonesia.
Alors que les négociations se poursuivent en Inde pour un contrat de 126 Rafale (+63 en option), Dassault ne cache pas son intérêt pour l’Asie du Sud-Est, espérant qu’une signature prochaine à New Delhi entraine une réaction en chaîne positive sur le marché malaisien, mais également indonésien.
De son côté, l’Indonésie diversifie ses sources d’approvisionnement en matière d’armement. En effet, l’embargo des USA qui suivi l’intervention au Timor Oriental en 1999 avait cloué au sol la quasi totalité de la flotte de combat indonésienne, contraignant l’armée de l’air à un achat de Sukhoi auprès de la Russie. Au delà de la diversification des sources, le gouvernement et l’industrie locale cherchent également à établir des partenariats industriels lors des gros contrats d’armement. Ainsi, PT DI a contribué au développement du Casa CN235 mais participe également à l’assemblage sous licence et au développement de versions d’attaque de l’appareil d’entrainement coréen T-50. Le partenariat de PT DI avec KAI devrait également se poursuivre sur le programme KF-X, successeur du T-50. Les liens avec l’industrie coréenne ne se limitent d’ailleurs pas au secteur aéronautique, puisque l’Indonésie et la Corée du Sud ont développé ensemble une famille de navires amphibies déjà exportés aux Philippines et au Pérou.
La collaboration industrielle sera donc partie intégrante de cet achat d’avions de combat visant à remplacer les vieux chasseurs F-5.
C’est donc tout à fait logiquement que l’argument principal mis en avant par Dassault pour ce marché est l’origine purement française de son appareil, comprenez sans technologies américaines soumises à des blocages et des pressions diplomatiques éventuels. A l’heure où les Américains cherchent à se redéployer dans la région en vue de contrer un éventuel expansionnisme chinois, le choix de matériel militaire français résonne comme un choix de non-alignement, tout en donnant accès à des technologies de pointe occidentales.
Si la force aérienne locale ne cache pas sa préférence pour le Su-35 russe, la décision finale sera politique, et les transferts de technologies que la France a pleinement accepté sur le marché indien pourraient être un argument de vente décisif dans la compétition. D'autant que Dassault a déclaré que pour le marché Indonésien, à l’instar du marché Indien, aucune limitation ne s’appliquerait concernant les transferts de technologies éventuels.
Toujours sur le plan politique et diplomatique, la France cherche à développer des partenariats stratégiques avec l’Indonésie, tout comme elle a pu le faire par le passé avec la Malaisie et Singapour, dans la région. Une vente d’avions de combats à Jakarta serait indéniablement un bond de géant dans cette direction.
Quoi qu’il en soit, la compétition sera rude. Outre Sukhoi avec son Su-35, Lockheed Martin est présent avec la dernière mouture du F-16 qui équipe déjà les forces indonésiennes, SAAB présente son Gripen, déjà utilisé dans la région par la Thaïlande, tandis que le consortium Eurofighter cherche désespérément à trouver de nouveaux débouchés pour son Typhoon afin d’éviter la fermeture des chaînes d’assemblage.