Long et intéressant article
Eric Trappier: "On peut espérer vendre 200 Rafale à l'export"
http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/eric-trappier-on-peut-esperer-vendre-200-rafale-a-l-export_1686649.html
Extraits :
Y a-t-il eu un effet "premier contrat" pour emporter ensuite la décision du Qatar?
Indéniablement, cela crée une dynamique. C'est ce que j'appelle l'alignement des astres : tout est favorable et puis un dernier détail déclenche le succès. Pour l'Égypte, le fait que la France accepte de cautionner les prêts bancaires destinés à couvrir une partie de l'achat a été décisif. Au Qatar, les discussions avaient démarré avant l'Égypte, et nous attendions la finalisation depuis quelques mois déjà. L'intervention des Saoudiens au Yémen, avec une coalition dont fait partie l'émirat, a probablement rendu plus urgent encore le besoin d'une capacité d'intervention opérationnelle. Et là, il faut rendre grâce aux armées françaises qui ont fait la démonstration sur le terrain de l'adaptation du Rafale aux crises actuelles.
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Le démonstrateur du Rafale remonte à 1986, le premier prototype a volé en 1991, l'avion est entré en service dans la Marine française en 2004, et dans l'armée de l'air en 2006. Parle-t-on aujourd'hui du même appareil?
Oui, c'est le même. Le concept, en tout cas, n'a pas changé : c'est un avion capable d'assumer toutes les missions reconnaissance, interception, attaque. Il faut rendre hommage à ses concepteurs, car trente ans plus tard, il est toujours en avance sur son temps, et à quelques pour cent près, son coût de développement est resté dans le budget prévu. Mais depuis 1991, nous l'avons fait beaucoup évoluer : il possède désormais un radar à antenne active, des calculateurs plus puissants et est capable d'intégrer les derniers types d'armes.
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Chez Dassault Aviation, les personnels sont capables de passer d'une chaîne à l'autre?
Tous nos personnels, du bureau d'études à la maintenance en passant par la fabrication, peuvent tra vailler sur le civil comme sur le militaire. Nos usines sont toutes duales, comme notre bureau d'études. Nos ingénieurs sont capables de dessiner un nouveau Rafale comme un nouveau Falcon : dans les deux cas, il s'agit de faire voler un avion. Après, il reste des spécificités de conception. Dans le militaire, les systèmes sont plus complexes, on doit protéger des données, emporter des armes : c'est l'avion de combat qui tire le savoir-faire. Dans le civil, en revanche, les contraintes de certification sont plus grandes puisqu'on transporte des passagers ; les contraintes environnementales aussi : il faut être silencieux, à bord, et à l'approche des aéroports.
Comme on lance plus souvent des nouveaux avions d'affaires que des avions de combat, cela nous permet de conserver une capacité de design intacte. Dans la production, toutes les avancées pour gagner la bataille des coûts nous viennent du civil. La dualité nous permet aussi de maintenir la majorité des emplois en France et d'absorber les variations de charge. Dans tous les domaines, c'est un atout de poids. C'est notre modèle.
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C'est aussi une richesse en matière d'innovations?
La visualisation tête haute, désormais installée dans les avions civils, et même dans les voitures, nous vient du militaire, mais la sophistication du système est tirée par le civil. Même chose pour les commandes numériques, issues du militaire, dont le Falcon 7X a été le premier à profiter. D'une manière générale, l'automatisation sur laquelle nous travaillons pour les drones sert aussi aux avions civils. À l'inverse, le civil tire l'évolution sur les communications extérieures de l'avion.
Enfin, la dualité facilite le financement de la recherche & développement...
Dans le militaire, les États financent en amont en fonction de leurs besoins. Dans le civil, nous avançons l'argent sur la base d'un marché que nous avons évalué et nous rentrons dans nos fonds une fois les ventes conclues. L'an dernier, la R&D autofinancée a représenté 13,3% de notre chiffre d'affaires, à quoi il faut ajouter le développement des nouveaux standards du Rafale et les études pour le projet de drone de combat franco-britannique.
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En matière de ventes d'avions de combat et d'avions d'affaires, quels sont vos records à battre?
Avant la crise de 2008, nous avons pris jusqu'à 200 commandes de Falcon par an ! Pour les avions de combat, même avec beaucoup d'ambition, nous n'atteindrons jamais plus les 1400 exemplaires du Mirage 3. On peut espérer vendre autant de Rafale à l'export qu'en France, soit un peu plus de 200 exemplaires (1). Nous avons des prospects dans les pays du Golfe, en Malaisie. Et puis, il y a les pays qu'on ne voit pas. Il y aura des surprises. Le succès appelle le succès.