Apres guerre, les projets d'avions foisonnent en France.
Les nombreuse Sociétés Nationales de Construction Aéronautiques, héritage du Front Populaire, rivalisent d'imagination pour proposer à la renaissante Armée de l'Air Française une large palette d'avions de combat et de transport.
En janvier 1946, forte de 12 500 employés, ouvriers, techniciens et ingénieurs, la SNCASE alors dirigée par M. Deprez exploite sur 217 000 m2 des sites dispersés autour de l’étang de Berre à Vitrolles et à Marignane (nouveau siège social) et, dans la région parisienne, une grande usine à Argenteuil, détruite à 25 % par les bombardements de 1944.
Dans ses actifs entrent en compte un atelier désaffecté à Clichy, des locaux et du personnel bloqués sur la piste militaire de Villacoublay où des groupes de bombardement américains sont installés depuis septembre 1944, une équipe sur le terrain militaire occupé par les forces américaines de Melun- Villaroche, sans oublier le staff de Toulouse, bureau d’études, piste d’essais et ateliers.
Quoique ses seuls revenus proviennent des programmes d’études d’Etat et des ventes des SE-161, la société nationale se lance dans l’étude des nouveaux programmes : chasseurs lourds, intercepteurs, engins, voilures tournantes.
Les ingénieurs et techniciens des bureaux d'étude ont deux soucis, la technologie des matériaux et les moteurs.
Début décembre 1945, les Services techniques de l’aéronautique publient un programme pour un avion de combat d’appui aérien lourdement armé et capable de missions de bombardement.
Le bureau d’études de la SNCASE de Toulouse (Pierre Satre) y répond immédiatement par un biréacteur à aile droite qui reçoit l’appellation SE-2400-I.
C’est le début d’une aventure rocambolesque qui a failli couler définitivement la SNCASE, celle du « Grognard ».
La première question concerne le choix du réacteur.
L’Etat voudrait des produits nationaux, mais ni les réacteurs Rateau-Anxionnaz B-120, ni les TGAR de la Socema de deux tonnes ne sont homologués.
A la Snecma, on n’est pas plus avancé.
L’atelier allemand ATAR (prise de guerre) s’installe en février 1946 à Decize pour y produire les liasses de fabrication du réacteur BMW, un contrat entre l’Etat français et l’équipe du Docteur Hermann Oestrich étant signé le 25 avril, alors qu’il existe au sein du motoriste qui regroupe maintenant toute l’industrie française du propulseur plusieurs projets français.
L’inconvénient de ce regroupement opéré par l’Etat est la société nationale éparpille ses moyens humains et financiers entre différents projets, turbines, moteurs à poudre, turboréacteurs, turbopropulseurs, statoréacteurs et moteurs à pistons fortement suralimentés.
Le projet SE-2400-I à aile droite et deux réacteurs en nacelles sous les ailes étant refusé en décembre 1945, un second projet est présenté en janvier 1946, le SE-2400-II sur lequel les réacteurs sont montés superposés à l’arrière du fuselage.
En mars 1946, l’état-major estime les besoins de l’armée de l’Air à 300 appareils.
Trois prototypes sont commandés à la SNCASE : un monoplace SE-2400-II avec deux réacteurs TGAR, un monoplace SE-2410 avec deux Rolls-Royce « Nene » et un biplace SE-2415 de présérie avec deux « Nene »
A Chalais Meudon, la maquette d'un drôle d’oiseau est en essais durant l'année 1949.
Il a un cockpit vitré très à l'avant, une entrée d'air au dessus du fuselage, une aile médiane et des stabilisateurs arrières plus bas que la voilure principale.
Deux turboréacteurs Nene, retravaillés chez Hipano-Suiza, sont superposés et doivent pousser ce Sud Est 2410 Grognard avec 43 kN pour une masse totale calculée à 14 tonnes.
En septembre 1946, alors que les forces aériennes quittent les aérodromes de la région parisienne qu’elles occupaient depuis deux ans, Villaroche, Orly, Villacoublay, les essais du réacteur double-flux Rateau SRA-1 commencent au banc.
La piste de Villaroche est cédée par l’Etat à la Snecma en avril 1947.
Les essais de réacteurs sur avion commencent aussitôt.
Trois voilures sont proposées sur le SE-2400 : une aile droite, une aile à faible flèche et une aile à forte flèche.
Pour des raisons de commodités industrielles, elles sont fabriquées à Marignane alors que les cellules sont réalisées à Toulouse.
Simultanément, la DTIA (Direction technique et Industrielle), le STAé (Services techniques)
et l’état-major remettent en question le projet, la mission du « Grognard » étant mal définie :
l’appareil est jugé trop lent pour un intercepteur, possède une vitesse de décollage trop élevée pour un chasseur lourd d’appui aérien, tandis que le bombardier semble condamné par le missile.
Le 30 Avril 1950, le Grognard F-ZWRJ décolle de Villacoublay aux mains de Pierre Nadot
Malgré son allure un peu disgracieuse, l'avion ne semble pas avoir de "loups" cachés.
Mais les performances sont très loin des vœux de l'AAF cherchant un remplaçant aux P-47 Thunderbolt ( la barrique ).
Il sert de plateforme pour les essais des engins AS11 et Matra T10 avant sa mise au placard.
Sud Ouest étudie le Vautour qui sera finalement choisi ....