par Philidor Jeu 16 Jan 2014 - 18:57
Tout (et même plus !) a déjà été dit sur ce sujet, mais je ne résiste pas à l'envie de mettre mon grain de sel, en défendant l’attitude réservée d’Airbus.
Je constate d'abord qu'aucun démenti d'Airbus à ce sujet n'est pris au sérieux sur les forums d'enthousiastes - en d'autres termes, "non" n'est pas considéré comme une réponse, tant les commentateurs, sur ce forum ou sur d'autres, sont convaincus que ce projet est une évidence ! Pourtant, s'il y a une évidence, c'est qu'il y a matière à hésiter. Quelles peuvent être les raisons d'Airbus ?
La première question-clé n'est pas technique, c'est l'intérêt commercial du projet. Il dépend non des ventes prévues mais du supplément de ventes possible par rapport au 330 actuel. Or, Airbus a vendu 77 A330s cette année (hors annulations de freighters) et voit encore un potentiel pour plusieurs années. De combien s'accroîtraient les ventes, dans plusieurs années, avec un NEO ? La réponse est loin d'être évidente, car le 330 actuel peut encore bénéficier des difficultés du 787 (Boeing est peut-être plus loin de 100 livraisons par an qu'il ne laisse croire). Alors, même si quelques clients (parmi lesquels Air Asia seul s'est fait connaître) parlent à Airbus d'un NEO, le supplément de ventes ne serait peut-être pas décisif.
--> Première hypothèse, Airbus voit des ventes possibles, mais pas beaucoup plus qu'avec l'A330 actuel.
La deuxième question-clé est la possibilité technique de mettre au point aujourd'hui un produit compétitif sans investissement lourd. J'ai l'impression qu'Airbus n'est pas enthousiasmé par les offres des motoristes, qui proposent au mieux des évolutions de produits déjà sur le marché. Relancer un avion en le remotorisant avec les moteurs que son concurrent utilise depuis déjà plusieurs années, c'est à dire sans vraie amélioration, est une stratégie risquée. Un NEO aujourd'hui serait moins efficient que son concurrent en place, arriverait sur le marché six ans environ après lui (donc marché saturé en commandes sinon en livraisons). Malgré quelques atouts sur d'autres plans (fiabilité, éléments communs avec des flottes existences), je ne connais pas beaucoup de programmes lancés dans ces conditions !
--> Deuxième hypothèse, Airbus ne croit pas qu'un NEO fait à l'économie serait aujourd'hui compétitif, ce qui ramène à la première hypothèse.
La troisième question-clé est le calendrier de lancement. Partir rapidement est le choix intuitif, mais pas forcément le bon. Le choix des options techniques disponibles dépend en effet de la date de début du développement. Ces options ne seraient-elles pas meilleures dans un proche avenir ? je me réfère aux propos sur les conditions difficiles à réunir évoquées par Airbus, que j'ai tendance à traduire comme signifiant "peut-être, à condition qu'un moteur plus performant soit offert avant qu'il ne soit trop tard".
--> Troisième hypothèse, Airbus ouvrirait le dossier seulement s'il disposait d'un moteur meilleur que celui du 787, ce qui modifierait les données des hypothèses 1 et 2.
La quatrième question-clé est l'évaluation par Airbus des perspectives d'un dérivé du 350. Le -800 a à mon avis été excessivement décrié (il serait bien meilleur que n'importe quel NEO), et Airbus pense peut-être faire de lui dans quelques années, sous une forme modifiée, un produit commercial intéressant, pour bien plus longtemps qu'un NEO.
--> Quatrième hypothèse, Airbus croit plus aux chances d'un dérivé du 350 qu'à celles d'un dérivé du 330.
La cinquième question-clé est la valeur de l’avantage qu’il y aurait, en termes de production et donc de volume de ventes, à relancer la chaîne de production du 330. Ne surestimons pas cet avantage, qui serait indéniable mais temporaire, car le produit lui-même, n'étant pas compétitif, ne pourrait pas se maintenir longtemps sur le marché et pourrait s'effondrer brutalement.
--> Cinquième hypothèse, Airbus estime que le gain de production et de part de marché ne serait pas durable, et préfèrerait une stratégie à plus long terme.