Concernant le simulateur, je suppose, comme Vector, qu'il faut une masse considérable de données dans la Data base pour pourvoir reproduire la simulation du décrochage dans la suite d'une évolution.
Or, celle de l'AF 447 n'est enregistrée que par le DFDR.
Le QAR, très riche en données, a été malheureusement inexploitable.
La perte du contrôle dans le plan vertical :
Premier facteur :
A basse altitude, lors des variations d'assiettes, l'air joue un rôle d'amortisseur.
A haute altitude, la densité de l'air étant plus faible, l'avion allant plus vite, cet effet d'"amortissement" disparait.
Pour une même variation d'assiette, l'avion va avoir des taux de montée considérablement différent : le pilotage à haute altitude est très délicat et demande beaucoup de concentration.
Quelques degrés qui entraineraient des vario de quelques centaines de pieds / mn entraineront des milliers de pieds / mn.
Deuxième facteur :
Le centrage arrière. Pour économiser du carburant, l'avion est centré arrière. Dans les limites, mais centré arrière.
La formule retenue par Airbus est complexe : un calculateur envoie du carburant dans un réservoir situé dans la queue de l'A330, le Trim Tank, pour maintenir l'avion proche de la valeur de centrage arrière retenue.
Un avion centré arrière est instable, et très maniable.
Troisième facteur :
L'homogénéité des commandes de vol est une nécessité, sur tous les avions, quels qu'ils soient.
Je cite Airbus :
. The Actions on the sidestick must be balanced in pitch and in roll.
... in pitch and roll ...
C'est le cas en Normal law, c'est même le cas en ALternate Law 1 mais ce n'est pas du tout le cas en ALTERNATE LAW 2B.
Dans cette loi de pilotage, celle rencontrée par l'AF447, l'avion passe en Direct Law sur l'axe de roulis : le taux de rotation passe brutalement de 15°/s à 25°/s.
Que dit l'ECAM pour informer les pilotes de ce changement d'état :
FLT ALTN LAW
A aucun moment les pilotes ne sont informés de cette modification qui met à mal l'exigence de l'homogénéité de pilotage reconnue par Airbus : must be balanced in Pitch and Roll !
Conséquence :
• fait important, à l'instant de la panne l'A330 est parti tout seul en virage ...
Lorsque le copilote PF a envoyé un input pour stopper cette mise en virage intempestive et revenir à inclinaison nulle, ailes à plat, le signal envoyé a été pratiquement le double que celui escompté.
L'avion a basculé de l'autre côté.
Surpris le copilote a envoyé un input sensé corriger le mouvement et l'avion a reçu un ordre de rotation toujours exagéré et a basculé de l'autre côté. Et ainsi de suite ...
Or, le copilote venait tout juste de cabrer l'avion pour remonter au niveau de croisière, suivant les ordre du Directeur de vol, FD.
Or le FD est tombé en panne dans les secondes qui ont suivi.
Dans ces capitales secondes d'autres informations sont tombées en cascade dans le cockpit, écartant des deux causes racines de ces difficultés, le givrage des sondes Pitot et le basculement en Direct Law en roulis.
L'hyper réactivité de l'avion aux hautes altitudes, l'hyper maniabilité en centrage arrière, la dégradation brutale de l'homogénéité des commandes de vol, des messages d'alerte sans aucun lien direct avec les pannes réelles de l'avion ont fait perdre au copilote le contrôle de l'altitude.
Lorsque après 20 à 25 secondes il a pu enfin maitriser l'inclinaison, il a placé son Sidestick à piquer, ne comprenant pas les raisons de ce désastre instrumental, il a tenté de se raccrocher à un instrument fondamental du pilotage, le Directeur de Vol, qui va l'entrainer vers le a perte de vitesse, en lui donnant, dans ses phases d'activité, des ordres à cabrer.
Par ailleurs l'avion, obéissant à la loi de pilotage propre aux Airbus a continué sa trajectoire ascendante.
Enfin approchant la perte de portance alors que la vitesse s'effondrait, un instrument familier du pilotage, le SpeedTrend a donné le coup de grâce en affichant une information à l'inverse de la situation, indiquant une accélération importante : voir ici une explication
Piloter en manuel l'A330 à haute altitude, en palier, sans autre panne aurait été assez simple.
A partir du moment où le système a demandé au pilote de cabrer, les difficultés du pilotage d'un avion instable et trop maniable mélangées aux caractéristiques de la loi de pilotage par facteur de charge se sont présentées.
En basculant sur une aile les difficultés de pilotage ont été considérablement accrues par le déséquilibre des commandes de vol entre axe de tangage et axe de roulis.
Les instruments sensés aider le pilote, FD, SpeedTrend, alarmes STALL, ECAM, A/THR, ayant fonctionné dans un non sens incroyable, la situation s'est dégradée en quelques secondes.
Entre la panne et le décrochage, 45 secondes.